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Covid-19 : pourquoi les cas recensés par l'OMS ne montrent qu'une faible réalité de l'épidémie en Afrique

Les données de l'OMS sont notre seul indicateur de la progression de l'épidémie. On sait que malheureusement elle se diffuse en silence de façon massive sur le continent africain, sans que les chiffres ne l’indiquent encore. 

Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un employé de la ville de Johannesburg remplit les bouteilles de désinfectant pour les mains, comme mesure préventive contre la propagation du coronavirus, le 2 avril 2020.  (Emmanuel Croset / AFP)

Chaque jour, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) établit un tableau de bord des contaminations par pays sur le continent africain, qui reste pour le moment relativement peu touché par la pandémie de coronavirus avec officiellement 9 000 cas et 443 décès ce lundi 6 avril 2020. Trois nouveaux pays ont déclaré leur premier mort : l'Ethiopie, le Liberia et le Soudan du Sud. Les courbes épidémiques sur les autres continents montrent qu'il y a en général un décalage de 5 à 7 semaines entre les premiers cas mortels et la flambée épidémique. 

Seuls les cas graves arrivent à l’hôpital et sont testés

Les données de l'OMS proviennent de cas confirmés par dépistage en laboratoire. Peu d'hôpitaux et de dispensaires, hors des grands centres urbains, sont en mesure d'effectuer des tests et de faire remonter les cas jusqu'au ministère de la Santé de chaque pays, seul habilité à rendre publics ces chiffres, au risque d'un manque de transparence, même si l'OMS veille.

"Il y a dans certains pays des retards de notification dans la validation et la transmission par les ministères de la Santé...On manque également de tests et de réactifs et le nombre de tests est de 10 à 100 fois moins important qu'en Europe ou en Chine", a expliqué à franceinfo Afrique le docteur Michel Yao, responsable des opérations d'urgence pour l'Afrique de l'OMS. 

On mesure le plus souvent les limites du dépistage : seuls les cas graves arrivent à l’hôpital et sont testés (quand les tests sont disponibles, notamment dans les petits pays), c’est-à-dire au final un faible pourcentage des contaminés. 

Cela signifie une probable sous-estimation des cas recensés, car uniquement basée sur des cas avérés, testés et symptomatiques. Sans oublier tous ceux qui ont contracté la maladie avec très peu de symptômes mais sont contagieux pour autant. "Il est possible qu'il existe de nombreux autres cas avec des symptômes bénins qui n'ont pas entraîné de visites à l'hôpital et ne sont donc pas détectés ou signalés", a déclaré un responsable de l'OMS.

En Afrique du Sud, "le calme avant une tempête dévastatrice" ?

En Afrique du Sud, pays au système de santé plutôt solide, près de 60 000 tests ont été réalisés, selon le décompte des autorités sanitaires. "Un nombre nettement insuffisant", a jugé le ministre de la Santé Zweli Mkhize, persuadé "de ne voir avec ses statistiques que la partie émergée de la pandémie". "Les transmissions locales augmentent en silence, a-t-il averti. Dans les quartiers pauvres, les gens qui présentent des symptômes légers ne vont pas à l'hôpital, nous ne connaissons pas la réalité du problème."

Cette semaine, il a suggéré publiquement que la lente progression de l'épidémie observée ces derniers jours n'était peut-être que "le calme avant une tempête dévastatrice".

Le coronavirus en Afrique "est en train de se diffuser de façon massive", a affirmé à franceinfo le professeur Eric Delaporte, médecin épidémiologiste et spécialiste des maladies infectieuses au CHU de Montpellier

Diminuer et étaler la vague ?

Le bilan du 5 avril du Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l'Union africaine annonçait la mort de 339 personnes par le Covid-19. Mais ces chiffres, comme en Italie et aux Etats-Unis, risquent de suivre une courbe exponentielle. Si les pays africains ont pu bénéficier du retour d'expérience chinois ou européen, ils n'ont en revanche pas de systèmes de santé capable d'encaisser un tel choc. Diminuer la hauteur de la vague par le confinement, cela veut également dire la prolonger sur la durée.

La stratégie préconisée par l’OMS a consisté à identifier le plus rapidement les personnes infectées, rechercher tous leurs contacts, les tester et, bien sûr, les isoler. Identifier, cela veut dire trouver toutes les personnes avec laquelle un cas confirmé aurait pu entrer en contact entre deux jours avant l'apparition des symptômes jusqu'à 14 jours après. L'OMS a formé pour cela des milliers d’agents de santé, pour prévenir ou du moins ralentir "la transmission communautaire". S'il est vital d’interrompre la propagation à un stade précoce, la tâche est loin d'être facile. Il s’agit parfois de cerner un immeuble ou un quartier où des cas ont été signalés. Les agents de santé sont alors armés de masques, de combinaisons et de kits de dépistages.

Combien de pays peuvent-ils mener une telle stratégie ?

Combien de temps peut durer un confinement "draconien" dans des pays où on ne peut pas se nourrir sans travailler ? Dans la plupart des pays africains, le confinement ne pourra pas durer très longtemps, sans provoquer une crise sociale et économique dramatiques.

L’Afrique du Sud a bien imposé à ses 57 millions d’habitants de rester chez eux pendant au moins trois semaines, dans l'espoir de ralentir la progression de la pandémie sur son territoire. Mais personne ne sait quand et comment s'organisera la fin du confinement, sans relancer le risque épidémique. Le virus continuera à circuler et une deuxième vague est malheureusement probable.

La crise menace d'être longue, seul espoir, la jeunesse de la population africaine, mieux à même de résister au virus. En attendant les premier traitements et surtout un vaccin espéré au mieux pour la fin 2020.

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