Coronavirus 2019-nCoV : le continent africain s'active pour ne pas devenir un possible foyer épidémique
Les experts de l’OMS redoutent que le virus se propage dans certains pays africains, où les systèmes de santé sont peu préparés à ce genre d'épidémie.
Au 6 février 2020, l'épidémie de Coronavirus 2019-nCoV est montée à plus de 28 000 cas de contamination, provoquant 560 morts, dont 98,6% en Chine. 200 cas de contamination ont été recensés hors de chine dans une vingtaine de pays. "Cela ne signifie pas que la situation ne va pas empirer", a prévenu le directeur de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus, mais "il existe une fenêtre de tir grâce aux mesures fortes prises par la Chine (...). Ne laissons pas passer cette fenêtre", a-t-il insisté. Pour autant, "si des cas étaient exportés vers certains pays d'Afrique ou d'autres continents où les moyens de sécurité sanitaire sont limités, de gros foyers épidémiques pourraient alors éclater hors de Chine", redoute J. Stephen Morrison, en charge du département de politique globale de santé au Centre pour les études stratégiques internationales (CSIS) à Washington. Dans ce contexte, l'Afrique doit tout faire pour empêcher l'entrée du virus sur son sol, au risque de devenir le prochain foyer majeur de l'épidémie.
Empêcher à tout prix un début d'épidémie
Le continent est à ce jour (officiellement) épargné par le nouveau coronavirus parti de Chine, mais son arrivée est probable, affirment les experts de l'Organisation mondiale de la Santé. Sa présence pourrait dans un premier temps passer inaperçue, tant les moyens manquent pour le détecter et l'analyser.
Connaissant les flux importants d'étudiants et d'homme d'affaires qui voyagent entre la Chine et l'Afrique, il y a peu de chances que le continent reste longtemps indemne, même si en théorie ce type de virus à tendance à dépérir sous l'effet de la chaleur.
L'Institut Pasteur de Dakar, désigné par l'Union africaine comme un des deux centres de référence en Afrique (avec Libreville, au Gabon) pour la détection du nouveau coronavirus 2019-nCoV apparu en Chine, reçoit en fin de semaine des experts de 15 pays du continent, afin de les préparer à faire face à la maladie. Pouvoir compter sur des diagnostics rapides et fiables sera essentiel en cas de suspicion, mais tous les pays africains ne disposent pas des capacités adéquates. L’OMS a commencé à expédier des kits de dépistage dans une vingtaine de pays pour de meilleurs diagnostics.
Partout sur le continent, les Etats renforcent leurs contrôles. Les ports et les aéroports étant en première ligne. Des équipes médicales y vérifient la température des voyageurs, comme à Dakar, où de petites caméras thermiques ont fait leur apparition avant le contrôle des passeports la semaine dernière. En cas de fièvre, la procédure prévue par l'OMS est de mettre les voyageurs à l'isolement, le temps d'effectuer des tests. Mais de nombreux pays africains risquent de manquer de personnel et d'équipements pour faire face à une flambée épidémique.
L'expérience d'Ebola
Les Etats africains sont conscients du danger, mais font déjà face depuis des années à des virus autrement plus virulents. L'Afrique de l'Ouest a été touchée en 2014-2016 par la pire épidémie connue d'Ebola qui a tué plus de 11 000 personnes en Guinée, Sierra Leone et au Liberia et atteint dix pays, dont l'Espagne et les Etats-Unis. Cette fièvre hémorragique a aussi fait plus de 2 200 morts depuis sa réapparition dans l'est de la République démocratique du Congo en août 2018.
Mais les foyers Ebola, même si le virus est hautement létal (une personne sur deux en meurt), restent essentiellement isolés et confinés loin des centres urbains. Ce qui ne serait pas le cas du 2019-nCoV. Surtout que les symptômes du coranavirus peuvent rester masqués durant les 14 premiers jours. L'arrivée du coronavirus dans une ville comme Lagos et ses 20 millions d'habitants serait rapidement ingérable.
Quelques mesures
La plupart des pays ont appelé leurs ressortissants à ne pas voyager en Chine jusqu'à nouvel ordre. Ils ont également suspendus la délivrance de visas pour les citoyens chinois.
Au Liberia, le chef de l'Institut de santé publique, Mosoka Fallah, a estimé à trois millions de dollars le coût des mesures à engager immédiatement. "Il faut prendre des mesures le plus vite possible pour éviter qu'il ne rentre ici", a-t-il dit devant le Parlement, qualifiant de "catastrophique" la vitesse de propagation du coronavirus.
"C'est fichu" si le 2019-nCoV rentre dans le pays, estime à Luanda l'Angolais, Anciao Fabiao Paulo dans une déclaration recueillie par l'AFP. "Notre système de santé est vulnérable et nous n'avons pas de bons spécialistes. Les gens tombent déjà comme des mouches à cause de la malaria", dit-il.
En Mauritanie, l'ambassade de Chine a demandé à ses ressortissants récemment rentrés à Nouakchott de rester confinés à la maison pendant deux semaines. Une mesure similaire a été demandée à toute personne rentrant de Chine par le ministre nigérian de la Santé, Osagie Ehanire.
Un "effort particulier" de surveillance est attendu des pays ayant des liens forts avec la Chine, dont le Maroc, l'Ethiopie, le Kenya, l'Afrique du Sud, le Rwanda et l'île Maurice, a déclaré à Addis Abeba le directeur du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC), John Nkengasong.
Le coronavirus sera au Menu du sommet de l'Union Africaine, qui débute le 9 février 2020 à Addis Abeba. Un sommet où est généralement présente une importante délégation diplomatique chinoise.
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