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Cap-Vert : le roi Mohamed VI contribue à la réhabilitation des cimetières juifs

Même s’il n’y a plus aucun juif pratiquant sur les îles du Cap Vert aujourd’hui, les descendants des juifs marocains qui s’y étaient réfugiés au XIXème siècle ne perdent pas le lien avec l’archipel. Des juifs américains, originaires du royaume chérifien, ont organisé en mars 2018 une cérémonie en l’honneur du roi Mohamed VI pour sa contribution à la réhabilitation des cimetières de leur communauté
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Des tombes juives lors de leur inauguration après restauration, le 2 mai 2013, dans le cimetière de Praia, la capitale du Cap-Vert. (AFP PHOTO/STR)

La communauté juive américaine, originaire du Maroc, a organisé le 11 mars 2018 une cérémonie en hommage au roi Mohamed VI «pour sa sollicitude en faveur de la restauration et la préservation du patrimoine juif au Maroc, mais aussi à l’étranger».

Le patrimoine juif marocain honoré dans un pays catholique 
Le site Identité juive, qui rapporte l’information, précise que l’événement a été organisé par la synagogue séfarade de Magen David à North Bethesda dans le Maryland, avec le soutien des ambassades du Maroc et du Cap-vert et en présence de nombreux diplomates et de membres de la communauté juive américaine.
 
«Sans cette contribution en 2011, ce projet n’aurait jamais pu voir le jour», a déclaré Carol Castiel, présidente de Cape Verde Jewish Heritage Project (CVJFP), une ONG à but non lucratif à l’origine de la mise en valeur du legs des juifs d’origine marocaine sur l’archipel.
 
Saluant «les actions mises en œuvre par le Souverain, afin d’honorer le patrimoine juif marocain dans un pays catholique», elle a également rappelé qu’en juin 2015, une délégation de juifs du Cap-Vert s’était rendu dans le pays de leurs ancêtres.
 
Un déplacement «à l’initiative du ministère des Marocains résidents à l’étranger et des affaires de la migration», précise encore la présidente de CVJFP, exprimant son admiration pour l’accueil chaleureux qui leur avait été réservé.
 
Elle a enfin salué la contribution des chercheurs marocains, notamment l’historien Mohamed Kenbib, au travail de recherches sur la mémoire des juifs du Cap-Vert.
 
Une implantation qui remonte à l'époque de l'inquisition
Selon le portail juif francophone JForum, la première implantation de juifs dans les îles du Cap-Vert remonte au XVème siècle. Confrontés au casse-tête de l’inquisition qui les somme, en 1492, de choisir entre l’expulsion et la conversion, des centaines de Juifs espagnols prirent le chemin de l’exil tandis que des milliers se convertissaient au christianisme.
 
Ils furent dénommés «Nouveaux Chrétiens» ou marranes, un vieux terme péjoratif signifiant cochon en espagnol, en référence à l’interdit religieux de manger du porc.
 
Sous la pression d'un antisémitisme persistant, les nouveaux chrétiens espagnols vont à nouveau s’enfuir pour rejoindre les juifs du Portugal. Chassés de ce pays où ils étaient devenus «trop nombreux» au regard des rois, Jean II ou Manuel Ier, (100 000 dans un pays d’un million d’habitants), ils repartiront vers l’Europe et l’empire ottoman.
 
Par ailleurs, après 2000 ans de vie paisible au Maroc, des milliers de juifs marocains seront exilés sur les îles de Sao Tomé-et-Principe ou du Cap-Vert important centre commercial transatlantique à cette époque, que les rois portugais voulaient peupler.
 
Poussée par la détérioration des conditions économiques au XIXème siècle, une deuxième vague de juifs, marocains cette fois-ci, émigre vers l’archipel via Gibraltar. Les inscriptions en hébreu et en portugais sur les pierres tombales dans les petits cimetières juifs des îles attestent qu’ils venaient en majorité de Tanger, Tétouan, Rabat et Mogador (Essaouira aujourd’hui).

«Aucun juif pratiquant aujourd'hui au Cap-Vert» 
Des inscriptions de noms de familles séfarades qui se sont lancées dans le commerce international, le transport, l’administration et autres activités commerciales. Elles travaillaient et prospéraient au Cap-Vert. Peu nombreux par rapport à une population en majorité catholique, les mariages mixtes, très répandus, achèveront d'accélérer leur assimilation.

«C'est un événement important car le Cap-Vert reconnaît officiellement que l'héritage juif fait partie de notre identité», a déclaré Carlos Veiga, l'ambassadeur du Cap-Vert aux Etats-Unis, à propos de la cérémonie à la synagogue du Maryland. «Nous sommes très fiers de nos ancêtres, même si nous n'avons aucun juif pratiquant aujourd'hui au Cap-Vert».
 
«Les descendants de ces familles, que ce soit au Cap-Vert, aux Etats-Unis, au Portugal ou au Canada, sont très fiers de leur ascendance juive», ajoute à son tour le site JForum. Ils souhaitent honorer la mémoire de leurs aïeux en préservant les cimetières et en documentant leur héritage. Le premier Premier Ministre démocratiquement élu du Cap-Vert, Carlos Alberto Wahnon de Carvalho Veiga, est d’origine juive.
 
La cérémonie de remerciement au roi Mohamed VI à la synagogue Magen David s’est accompagnée de chants interprétés par la chanteuse cap-verdienne Gardenia Benros. Accompagnée par Claude, un percussionniste originaire de Casablanca, elle s’est même essayée à des rythmes typiquement marocains qui lui ont valu une standing ovation de l’assistance.


 

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