Au Sénégal, l'Aïd se fête entre musulmans et chrétiens
Chrétiens et musulmans sénégalais célèbrent ensemble la Tabaski (Aïd al-Adha), comme le raconte l'AFP.
Au Sénégal, pays réputé pour sa tolérance, chrétiens et musulmans célèbrent ensemble la Tabaski (Aid al-Adha, la fête du sacrifice), qui dure du 11 au 15 août 2019. Une convivialité qui détonne dans une Afrique de l'Ouest en proie à la violence. Le pays compte 90% d'adeptes de l'islam.
"(Mes amis catholiques) viennent tous les ans pour la tabaski, je vais à la messe pour Noël, on passe toutes les fêtes religieuses ensemble", a raconté à l'agence France-Presse (AFP) Grassé, jeune Dakaroise musulmane dont le prénom, chrétien, vient de Grâce.
"Quand je me rends chez des amis chrétiens, je me sens vraiment chez moi. Il n'y a aucune différence. On a grandi ensemble", affirme-t-elle. Elle reçoit continuellement des appels sur son téléphone portable: "Jacques, Marie, Joseph... Tous mes amis chrétiens me souhaitent une bonne tabaski", se réjouit la jeune femme, étudiante en communication.
"Ici, quand un chrétien meurt, tous les voisins du quartier vont à l'église pour ses funérailles", abonde Pape Doudou Diop, le frère de la jeune femme. Bien que musulman, Pape Doudou est de toutes les communions, et se rend parfois à la messe de Noël.
Pendant le repas de fête, impossible de distinguer chrétiens et musulmans. "Je suis systématiquement invité par mes voisins ou amis pour les fêtes musulmanes. C'est une coutume", dit un ami de Grassé, Yves-Martin Kemden, jeune éleveur de chiens venu fêter sa dixième Tabaski chez elle. "Ma grand-mère était catholique. Pour Pâques, nos cousins nous invitent, en prenant soin de ne pas cuisiner du porc. C'est la famille, on est indivisibles, quelle que soit notre religion", raconte de son côté Karim Ndoye, peintre en bâtiment quinquagénaire.
"La religion est secondaire face aux liens du sang"
Selon la sociologue Fatou Sow Sarr, interviewée par l'AFP, l'harmonie entre chrétiens et musulmans au Sénégal s'explique par l'action des chefs des confréries mourides. Dès le XIXème siècle, celles-ci ont agi en "philosophes du vivre-ensemble" et prôné la tolérance envers les catholiques. "On trouve dans les mêmes familles des chrétiens et des musulmans, qui se marient entre eux. La religion est secondaire face aux liens du sang, donc les communautés n'ont jamais été antagonistes", estime Mme Sow Sarr. "Il y a (davantage) de risques de dissensions entre musulmans aujourd'hui, à cause des conflits entre communautés mouridiques et influences wahhabites, qu'entre musulmans et chrétiens", selon elle.
"Cette tolérance entre les religions est à la racine de la société sénégalaise", explique de son côté à l'AFP l'abbé Jacques Seck. L'octogénaire, qui se définit comme un "musulman-chrétien", est un apôtre du dialogue interreligieux qui n'hésite jamais à mêler à ses sermons des versets du Coran. Il va célébrer la Tabaski chez des amis musulmans.
"La chance de ce pays, c'est qu'il est rare qu'une famille ne soit pas composée des membres des deux communautés. Cette diversité a construit le pays", poursuit le prêtre catholique. Nul ne peut le savoir mieux que lui : ses ancêtres, musulmans comme chrétiens, reposent à l'ombre du même arbre, dans un cimetière interconfessionnel de l'ouest du Sénégal.
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