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Sénégal : l'opposant Adama Gaye interpellé pour "offense au chef de l'Etat"

L'ancien journaliste a écrit des articles dénonçant la mauvaise gestion, selon lui, du pétrole et du gaz au Sénégal, dont l'exploitation à grande échelle doit débuter en 2021-2022.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le président du Sénégal Macky Sall (au centre) à Abuja, au Nigeria, le 12 juin 2019. (REUTERS - AFOLABI SOTUNDE / X02098)

Adama Gaye, ancien journaliste sénégalais, devenu un opposant très critique vis-à-vis du pouvoir du président Macky Sall, a été placé en garde à vue le 29 juillet, puis déféré le lendemain devant le parquet pour "diffusion d'écrits contraires aux bonnes mœurs" et "offense au chef de l'Etat", a-t-on appris auprès de son avocat. Selon la presse locale, il est poursuivi à la suite de récents "posts" sur Facebook sur la vie privée du chef de l'Etat sénégalais.

Le procureur dispose d'un délai de quatre jours, à compter du 29 juillet, pour décider d'une éventuelle inculpation.

Cet ancien directeur de la communication d'Ecobank se présente comme un militant pour la "justice, la transparence et le progrès", après avoir été journaliste dans plusieurs médias. Il a écrit des articles, dont certains très durs, dans la presse sénégalaise et sur les réseaux sociaux. Lesquels dénoncent la mauvaise gestion par les autorités sénégalaises, selon lui, du pétrole et du gaz au Sénégal, dont l'exploitation à grande échelle doit débuter en 2021-2022.

"Je me considère comme un prisonnier d'opinion, un détenu politique retenu pour ses écrits basés sur des faits précis, des questions vitales par rapport à la souveraineté nationale du Sénégal, notamment la gestion des hydrocarbures", a déclaré le 30 juillet à l'AFP Adama Gaye, en présence de son défenseur.

Adama Gaye, auteur en 2006 de l'essai Chine-Afrique : le dragon et l'autruche, a ces derniers mois régulièrement mis en cause le président Macky Sall et son frère Aliou Sall dans le dossier de la gestion des hydrocarbures. Laquelle agite depuis deux mois la classe politique et les médias du pays.

Affairisme et pot-de-vin

Fin juin, le frère du chef de l'Etat a démissionné de la présidence de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Et ce après avoir été épinglé dans un reportage de la BBC sur les conditions de l'attribution de marchés pour la prospection et l'exploitation de champs off-shore à Petro-Tim, une société de l'homme d'affaires australo-roumain Frank Timis. Ce dernier est qualifié de "rogue oilman" ("pétrolier malhonnête") par le journal britannique The Telegraph. Regal Petroleum, l'une de ses compagnies, a déjà écopé d'une "amende record" de 600 000 livres à la Bourse de Londres pour "avoir induit en erreur des investisseurs", rappelle de son côté The Guardian

Aliou Sall, qui a travaillé pour Petro-Tim, a démenti tout conflit d'intérêts. Révélé par la chaîne britannique, le contrat d'Aliou Sall "spécifie que le frère du président ne deviendra manager (de la société de Frank Timis) que lorsque le gouvernement sénégalais aura attribué les concessions à Petro-Tim", rapporte Le Monde. "Le contrat révèle aussi un salaire de 25 000 dollars mensuels (environ 22 300 euros) pendant cinq ans, ainsi qu’une promesse de parts dans la compagnie, pour 3 millions de dollars environ". Ce salaire "n'a rien d'illégal. Il est totalement conforme à la pratique dans les milieux du pétrole et du gaz", rétorque le parent du président cité par le quotidien français. Selon la BBC, il aurait aussi reçu un versement de 250 000 dollars, ce que l'intéressé dément.

Dans une déclaration sur RFI, en date du 5 juin, Macky Sall a déclaré vouloir "que la vérité soit rétablie sur les ressources pétrolières et gazières du Sénégal". "Jamais un pays n'a autant pris de dispositions anticipatives pour éviter des écueils par rapport aux ressources, qui vont être exploitées dans les prochaines années", a-t-il affirmé.

Arrestation d'un manifestant, le 14 juin 2019, lors d'un défilé à Dakar demandant la "transparence" dans les contrats pétroliers et gaziers  (MOUSSA SOW / AFP)

Suite au reportage de la BBC, la justice sénégélaise a ouvert une enquête le 12 juin. A l'appel d'un collectif citoyen et de l'opposition, une manifestation a réuni le 21 juin des milliers de personnes à Dakar pour exiger la lumière sur les contrats d'hydrocarbures liant l'Etat sénégalais et des compagnies étrangères. Parmi les slogans, on pouvait entendre : "Macky Sall, Aliou Sall, tous voleurs."

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