Reportage "Tôt ou tard, il va partir" : au Sénégal, la colère des jeunes contre Macky Sall après le report de l'élection présidentielle

Le président du Sénégal Macky Sall a annoncé le report de l'élection présidentielle, qui devait avoir lieu le 25 février prochain. Des heurts ont éclaté dimanche après-midi à Dakar.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Une manifestation contre le président sénégalais Macky Sall et en faveur de son opposant politique Ousmane Sonko, en août 2023. (KIRAN RIDLEY / AFP)

La stupeur se voit sur le visage d'Ademossar : devant l'hôtel où il travaille, il vient de recevoir l'alerte sur son téléphone qui annonce le report du scrutin. "C'est la première fois au Sénégal qu'on assiste à ce genre de report d'élection !", s'exclame-t-il. "Macky Sall vient de trahir : on veut le changement radical, on ne veut plus de ministres qui détournent les milliards, on veut un système plus honnête !"

"S'il y a des manifestations, je vais laisser mon travail et sortir, parce que mon pays a besoin des jeunes. On est dans un pays démocratique, et ça doit continuer."

Ademossar, jeune Sénégalais

à franceinfo

C'est un véritable séisme politique au Sénégal. Pour la première fois depuis 1963, et l’élection de Léopold Sédar Senghor, le Sénégal reporte la présidentielle. Le scrutin devait avoir lieu le 25 février, mais le président Macky Sall a pris la parole samedi 3 février à quelques heures de l’ouverture officielle de la campagne, pour annoncer l'abrogation du décret sur la convocation du corps électoral.

Une décision sur fond de polémique : plusieurs candidats importants comme Karim Wade, le fils de l’ancien président, ont été écartés par le Conseil constitutionnel. Les députés ont voté l’ouverture d’une enquête parlementaire. Un choc pour les moins de 30 ans, qui représentent 75% de la population du Sénégal : ils réclament massivement un changement radical de politique et le départ du gouvernement au pouvoir.

Un "coup d'État institutionnel" pour l'opposition

Mariam envisage aussi d'aller manifester : cette Sénégalaise, agente commerciale, se dit très connectée et très en colère. "Je suis dégoûtée ! Les jeunes ont été à l'école pour apprendre et découvrir, et ça c'est un réveil brutal", déclare-t-elle. "On n'a pas notre mot à dire, et on nous appelle la jeunesse. On n'a même pas les mots pour exprimer cette colère et même cette haine envers ce monsieur. Ce qu'il doit comprendre, c'est ce que c'est la fin, il a perdu. Tôt ou tard, il va partir !"

Ce départ du président, c'est aussi ce que réclame l'opposition sénégalaise. Les camions et bus de campagne, qui devaient partir vers la province, prévoient de converger vers le centre de Dakar. Souleymane Gueye fait partie du secrétariat exécutif du mouvement Frapp-France Dégage (Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricain) : "C’est un coup d’État institutionnel. Aujourd'hui, on appelle à l'unité, car c'est une douche froide qui a été administrée à tous les démocrates."

"Ce combat doit commencer par la rue, donc toute l'opposition, toute la société civile, tout le monde doit se mobiliser pour bloquer ce report !"

Souleymane Gueye, du mouvement Frapp-France Dégage

à franceinfo

Une mobilisation qui doit se faire dans le calme, précisent la plupart des responsables politiques. Tous veulent éviter une flambée de violence, particulièrement en Casamance, où les affrontements du mois de juin dernier entre les jeunes et la police ont fait huit morts. Mais des heurts ont éclaté dimanche après-midi à Dakar, avec des tirs nourris de gaz lacrymogènes des gendarmes sénégalais contre plusieurs centaines de manifestants.  

Des heurts ont eu lieu à Dakar, au Sénégal, dimanche 4 février 2024 au lendemain de l'annonce du report de la présidentielle à une date indéterminée.
Heurts à Dakar Des heurts ont eu lieu à Dakar, au Sénégal, dimanche 4 février 2024 au lendemain de l'annonce du report de la présidentielle à une date indéterminée. (ANTOINE GINIAUX / RADIO FRANCE)

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