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Polémique sur les accords de pêche entre le Sénégal et l’Union européenne

Les autorités sénégalaises parlent de régularisation d’une situation anormale. Les pêcheurs locaux et Greenpeace dénoncent le manque de transparence d’un accord qui lie les deux signataires pendant cinq ans. En tout cas, les bateaux de l’Union sont autorisés à pêcher chaque année 14.000 tonnes de poissons dans les eaux sénégalaises.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
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Pêcheurs traditionnels au Sénégal. (AFP)

 
L’affaire marque peut-être la fin de la lune de miel entre les écologistes et le gouvernement de Macky Sall sur le dossier sensible de la surpêche au Sénégal.

Tout avait bien commencé pourtant. Dès son arrivée au pouvoir en 2012, Macky Sall dénonçait des accords qui autorisaient des bateaux–usines d’Europe de l’Est à pêcher dans les eaux sénégalaises.
Les pêcheurs artisanaux se réjouissaient même du retour rapide du poisson.
 
Puis, la nomination d’Haïdar El Ali comme ministre de la Pêche et des Affaires maritimes, était perçue comme un signe de la volonté du pays de mettre de l’ordre dans ce dossier sensible. L’homme est un écologiste réputé et respecté pour sa défense du milieu marin.
 
Dans la foulée, un nouveau code de la pêche était mis en chantier. Greenpeace a proposé des amendements en mars dernier, mais reconnaît que «les textes présentés à mi-parcours du processus de révision ont le mérite de comporter quelques avancées notamment en matière de participation et responsabilisation des acteurs locaux et de lutte contre la pêche illégale.»
 
Navire arraisonné
Le 4 janvier 2014, c’est même un fait sans précédent qui propulse le Sénégal au sommet des nations les plus soucieuses de défense de l’environnement et de développement pérenne.
Un navire russe le Oleg Naydenov était arraisonné pour pêche illégale dans les eaux sénégalaises. Il est autorisé à repartir après paiement d’une amende d’un million de dollars !
 
A cette occasion, le ministre de la Pêche parle de «bateaux pirates». «Ce sont des gens qui viennent piller nos ressources, transformer notre poisson, qui est la sécurité alimentaire pour nous, en farine de poissons qui nourrit leurs cochons. Ce n’est pas possible» dit-il au micro de RFI.
 

Le chalutier russe Oleg Navdenov arraisonné le 4 janvier 2014 dans les eaux sénégalaises pour pêche illégale (AFP)

Le thon pour l’Europe
Tout semblait donc aller pour le mieux quand l’annonce d’un accord de pêche a sonné l’heure du désamour. Un quota de 14.000 tonnes de thon pendant cinq ans est accordé à l’Union européenne.
38 navires espagnols et français pourront pêcher. En échange, le Sénégal obtient une compensation de 15 millions d’euros.
Bruxelles parle d’un véritable partenariat qui cible des espèces abondantes et fournit au Sénégal les moyens de contrôler la pêche dans ses eaux.
Aux yeux de M.El Ali, cela semble suffisant pour ne pas considérer ces bateaux comme des bateaux pirates…
 
Ce n’est pas l’avis de Greenpeace qui s’inquiète de l’arrivée de deux chalutiers de grand fond. L’organisation demande au gouvernement de reconsidérer sa position.
Mais la charge la plus vive vient du Gaipes, le groupement des pêcheurs artisanaux. «Gérer la pêche n’est pas gérer un aquarium», lance Fatou Niang, la vice-présidente du Gaipes. Allusion au travail précédent du ministre pour la sauvegarde du patrimoine maritime.
 
Les pêcheurs locaux vent debout
Fatou Niang dénonce l’absence de concertation, l’accroissement excessif du nombre de bateaux sur zone. En outre, pour le groupement, deux aspects semblent mal ficelés : l’obligation de vendre au Sénégal la pêche (pour faire vivre l’industrie de transformation) et l’embarquement de marins locaux (30.000 inscrits maritimes sont au chômage).
 
Mais il ne faut pas ignorer le contexte. Le Sénégal met la dernière touche à un code de la pêche qui veut changer les pratiques. Il marquera l’avenir du pays et des entreprises qui travaillent dans ce secteur fondamental, troisième pôle économique du pays. La pêche représente 600.000 emplois, soit 15% de la population active. Le poisson est une nourriture fondamentale. Chaque Sénégalais en consomme 27 kilos par an.
 
Pas étonnant alors que chacun tente de défendre ses intérêts ou cherche à faire pression.
En instruisant, bien sûr, un procès en incompétence.
 

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