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Rwanda: un Etat fort pour une liberté d’expression en danger?

Alors que l’élection présidentielle du 4 août 2017 se rapproche au Rwanda, la commission électorale a imposé une nouvelle règle concernant les réseaux sociaux. Chaque message posté par un des candidats devra au préalable être approuvé par la commission. Une mesure très critiquée par l’opposition et qui soulève de nombreuses questions dans ce pays où la liberté d’expression reste très fragile.
Article rédigé par Louise Bugier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des supporters fêtent la victoire de Paul Kagame à l'élection présidentielle, le 10 août 2010 à Kigali (Rwanda). (SIMON MAINA / AFP)

«Nous demandons (aux candidats) de présenter leurs messages, leurs brouillons», a déclaré Kalisa Mbanda, président de la commission électorale, à l’AFP le 29 mai 2017. La mesure, publiée au journal officiel, prendra effet dès le début de la campagne électorale le 14 juillet et concernera tous les «messages, photographies ou autre matériel de campagne» publiés sur les réseaux sociaux.

Une mesure controversée
En contrôlant les contenus postés sur les réseaux sociaux par les prétendants à la présidence, l’Etat dit vérifier «s’ils ne vont pas à l’encontre de la loi». La ligne officielle est claire: éviter le «réveil du divisionnisme dans la population rwandaise». Mais pour les détracteurs du pouvoir en place, il ne s’agit que de museler la liberté d’expression.

Frank Habineza, leader du parti démocratique vert, seule force d'opposition rwandaise, en décembre 2016 à Kigali (Rwanda) (STEPHANIE AGLIETTI / AFP)

«C’est injuste car nous estimons que les réseaux sociaux doivent être quelque chose de spontané», a déclaré Frank Habineza, président du parti démocratique vert. Il craint que les critiques à l’égard du gouvernement ne soient bloquées sous couvert «d’atteinte à la sécurité nationale», a rapporté l’AFP.

Paul Kagame, homme fort du Rwanda depuis 1994, président depuis 2000, est considéré comme celui qui a mis fin au génocide. Réélu deux fois depuis, Kagame a fait voter en 2015 une modification de la Constitution qui lui permet de se présenter à l’élection présidentielle de 2017 et de potentiellement diriger le pays jusqu’en 2034.

A droite, Paul Kagame, actuel président rwandais, en 1994. Il était à l'époque vice-président et ministre de la Défense. A ses côtés, le président Pasteur Bizimungu. (ALEXANDER JOE / AFP)

Un pays sous contrôle
Le Rwanda est souvent salué pour ses résultats économiques et sa stabilité mais critiqué pour ses atteintes à la liberté d’expression et son manque d'ouverture politique par les ONG. Quatre candidats contestataires ont déclaré leur intention de participer à l’élection, mais la commission électorale doit auparavant les approuver. Actuellement, le parti démocratique vert est la seule formation d’opposition autorisée au Rwanda.

En 2014, Maïna Kiai, rapporteur de l’ONU, avait souligné qu’au Rwanda, «pratiquement tous les chefs politiques qui se montrent critiques (sont) en exil ou en prison». Dans son rapport annuel de 2016, Human Rights Watch rapportait que beaucoup d’opposants politiques, journalistes et militants associatifs étaient emprisonnés ou exilés pour «déni du génocide».

La liberté d’expression critiquée
«Déni du génocide»: le gouvernement est accusé d’utiliser ce prétexte pour museler l’opposition. Victoire Ingabire, présidente du parti FDU-Inkingi, purge une peine de 15 ans de prison pour cette raison. La BBC rwandaise a été interdite d’émettre après un documentaire également accusé de nier le génocide.

L'opposante rwandaise Victoire Ingabire, menottée, parle avec l'un de ses avocats lors de son procès, le 5 septembre 2011 à Kigali (Rwanda). Elle est accusée de négationisme et d'avoir fomenté des divisions ethniques. (STEVE TERRILL / AFP)

La condition des médias, justement, reste complexe. Les points de vue favorables au gouvernement dominent largement et le président de la Commission rwandaise des médias a fui le pays en 2015 après avoir publiquement exprimé des désaccords avec le président.

Des informations qui laissent voir une situation sensible dans ce pays où la blessure du génocide n’est pas encore cicatrisée.

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