RDC : une petite île du lac Kivu voit-elle arriver les premiers migrants de la vaccination ?
Sur l'île d'Idjwi, ils étaient une centaine venus du Rwanda voisin disant fuir une vaccination forcée.
C’est un petit paradis sur cette terre du Kivu, en République démocratique du Congo, qui connaît tant de violence. L'île d’Idjwi, au beau milieu du lac Kivu, à mi-distance des rives rwandaises et congolaises, n’a jamais connu les conflits qui frappent régulièrement l’est de la RDC. C’est la plus grande île du pays et la seconde île lacustre d'Afrique. Sur 285 km², elle abrite près de 250 000 habitants dans un environnement montagneux, dont le Nyamusisi est le point culminant à 2 300 mètres d’altitude.
L’économie y est essentiellement agricole, Idjwi est un grand producteur d’ananas et son café commence à se faire une solide réputation. Oubliés du Zaïre de Mobutu, les producteurs de café s’étaient tournés vers le Rwanda pour y vendre illégalement leur production transportée dans des canots à rames.
L’histoire de ces planteurs de café est tumultueuse, entre vols et traversées dangereuses. En 2014, une coopérative voit le jour et les producteurs se tournent alors vers Goma pour y vendre leur production. La Coopérative des planteurs et négociants de café du Kivu (CPNCK) compte aujourd’hui 753 membres dont un quart de femmes.
Isolée
On accède à Idjwi par bateau depuis Goma au nord du lac, après une heure et demie de traversée. Ici il n’y a que quelques rares voitures, des motos-taxis et des pirogues à moteur. Ce relatif isolement explique peut-être cette tranquillité et aussi que l’île a été un refuge lors du génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda. 40 000 Hutus rwandais s’y sont installés après avoir fui la prise du pouvoir par les hommes du Front patriotique rwandais de Paul Kagame.
Aujourd’hui l’histoire bégaye. C’est l’arrivée d’une centaine de Rwandais sur l’île qui interpelle la population. "Nous avons déjà enregistré au moins cent de ces personnes", a indiqué à l'AFP Karongo Kalaja, administrateur du territoire d'Idjwi. "Ils arrivent mais jusque-là on ne connaît pas les vraies raisons pour lesquelles ils fuient leur pays", a-t-il ajouté. Un enseignant précise à l’AFP que la majorité est hébergée dans "des familles d’accueil", mais que "leur présence nous inquiète étant donné que le motif pour lequel ils se retrouvent à Idjwi n'est pas clair".
Réfugiés de la vaccination ?
Il y a des femmes et des enfants. Ils disent fuir la vaccination contre le Covid, alors que pourtant celle-ci n’est pas obligatoire au Rwanda. Elle est juste demandée pour monter dans un transport en commun, fréquenter un bar ou un restaurant. Et cette vaccination semble bien acceptée par la population. En fin d’année, Paul Kagame annonçait que 80% des Rwandais de 12 ans et plus ont bénéficié au moins d’une première dose de la vaccination.
Ces premiers arrivants seraient-ils les précurseurs d’une immigration massive future ? C’est la question qui, bien que non dite, semble tarauder les habitants. C'est pourquoi les autorités de la chefferie ont immédiatement mené "des démarches pour ramener ces gens chez eux".
Les Pygmées marginalisés
Car bien qu’en paix, l’île n’est pas non plus un havre de tolérance. La minorité pygmée locale, qui serait parmi les plus vieilles d'Afrique et vend des poteries pour survivre, est en conflit avec les Buhavus, la communauté majoritaire à 95%. Les tensions entre minorités et Buhavus ne sont pas absentes et les Pygmées ont été déplacés vers des territoires éloignés de leur habitat traditionnel, où ils mènent une existence de survie et subissent l’autorité des chefs coutumiers locaux.
En 1994, la forêt avait fait les frais des arrivées en masse de réfugiés hutus. Les nouveaux habitants avaient déboisé à tour de bras pour se faire des abris et obtenir de nouvelles terres à cultiver. Une action que les locaux ont repris à leur compte. La crainte d'une nouvelle "invasion" contribue à cette méfiance des nouveaux arrivants.
Malgré tout, plusieurs universitaires mettent en avant une "culture de la paix". "Dès qu’un conflit éclate, au lieu de se tourner vers les autorités officielles comme la police et l’armée ou de tenter de résoudre la crise par la violence, les habitants se tournent vers les réseaux", écrit Arnaud Blin, spécialiste de l’histoire des conflits.
Finalement, les 101 "réfugiés de la vaccination" ont rejoint leur pays d'origine jeudi 13 janvier. Selon le responsable de la chefferie Ntambuka, au sud de l'île, "ils s'opposaient à leur rapatriement mais on a négocié avec eux toute la journée d'hier, on les a forcés à embarquer". Une information confirmée par le gouvernement rwandais qui précise également que leur refus de la vaccination était lié notamment à des convictions religieuses.
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