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RDC:assassinat de Chebeya, pas de vérité «sans changement de pouvoir» à Kinshasa

Son corps, sans vie, avait été retrouvé dans sa voiture en juin 2010. La mort du fondateur de l’ONG congolaise La Voix des sans voix, Floribert Chebeya, avait provoqué une vive émotion en RDC. La vérité sur sa mort ne sera pas connue tant qu’il n’y aura pas «un changement de régime à Kinshasa», explique le président de l’Asadho. Jean-Claude Katende s’est confié à Géopolis.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le militant des droits de l'Homme congolais assassiné, Floribert Chebeya, lors d'une conférence de presse au siège de l'ONG La Voix des sans voix, à Kinshasa. (Photo/Reuters)

Jean-Claude Katende est président de l’Asadho, une ONG des droits de l’Homme très active en République démocratique du Congo. Il suit avec intérêt l’affaire Floribert Chebeya, du nom du fondateur de La Voix des sans voix, son camarade assassiné il y a sept ans, en juin 2010. Il n’a pas perdu tout espoir de voir éclater au grand jour la vérité sur les responsables de ce crime. Mais à certaines conditions.
 
«Il faut qu’il y ait un changement de régime en République démocratique du Congo. Que d’autres personnes prennent le pouvoir par la voie électorale. Le dossier peut être rouvert. La vérité peut aussi éclater au grand jour par la voie internationale. Le problème, c’est que les personnes-clés dans cette affaire ne voudront jamais comparaître devant la justice internationale et principalement devant la procédure ouverte au Sénégal.»

Jean-Claude Katende est avocat et activiste congolais des droits de l'Homme. Le président de l'Asadho accuse le gouvernement d'avoir tué une partie de sa population du Kasaï. (Photo/Asadho)

Les proches de Floribert Chebeya ont les yeux rivés sur le Sénégal pour la simple raison qu’un témoin-clé dans cette affaire s’est exilé dans ce pays depuis 2014. Il s’agit d’un ancien policier congolais du nom de Paul Mwilambwe. Il accuse certains hauts gradés de la police congolaise, à commencer par l’ancien chef de la police à l’époque des faits, le Général John Numbi.
 
«Les commanditaires de l’assassinat de Chebeya sont au sommet de l’Etat, affirme ce témoin congolais. La vérité, c’est que «Chebeya a été assassiné à l’inspection générale de la police», ajoute-t-il dans une interview à RFI.
 
L’ancien policier congolais, qui affirme avoir tout vu, a peur pour sa vie et celle de sa famille. Il demande à la justice sénégalaise de l’entendre. «Je lance un cri de cœur: que ma voix soit entendue», implore-t-il.
 
«Il a été témoin de ce qui s’est passé. C’est la raison pour laquelle les autorités congolaises ont peur de ce Monsieur qui a échappé à leur contrôle», confie Jean-Claude Katende à Géopolis.
 
Le président de l’Asadho fait remarquer que les assassins de Floribert Chebeya ont voulu briser l’élan des défenseurs des droits de l’Homme au Congo. Mais ils ont totalement échoué, affirme t-il.
 
«Floribert Chebeya est mort à cause de ses activités en faveur des droits de l’Homme. La seule manière pour nous de lui rendre hommage, c’est de pérenniser le combat qu’il menait. Une grande motivation et un engagement des défenseurs des droits de l’homme».
L'ancien chef de la police congolaise, le général John Numbi, est l'un des huits policiers accusés de la mort de l'activiste des droits de l'Homme Floribert Chebeya. (Photo AFP/Junior Kannah)

Quant au procès organisé à Kinshasa dans le cadre de cette affaire, Jean-Claude Katende dénonce une parodie de justice.
 
«Ces procès n’ont fait que renforcer la conviction que tout le monde avait. Que le pouvoir était directement impliqué dans cet assassinat. Quand on voit les obstacles, quand on voit le refus de faire comparaître les personnes-clés en tant qu'auteurs ou commanditaires de ce crime, l’on comprend que la justice congolaise est totalement contrôlée par le pouvoir exécutif.»
 
Aujourd’hui, les familles de Floribert Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana, assassiné en même temps que lui, comptent sur la justice sénégalaise pour tirer au clair cette affaire. Elles redoutent toutefois que le dossier traîne en longueur pour des raisons diplomatiques. Selon leur avocat, il y aurait eu des pressions énormes de la part du gouvernement de Kinshasa.

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