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Le drone peut-il devenir un outil humanitaire ?

Depuis quelques temps, les drones ont mauvaise presse, associés à leur utilisation intensive par l’armée américaine. Pourtant, le développement de la technologie offre des opportunités dans de nombreux secteurs. Côté civil, Amazon et Domino’s Pizza envisagent de créer des réseaux de drones de livraison, mais les associations humanitaires s’y intéressent aussi.
Article rédigé par Titouan Lemoine
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Dans la province chinoise de Woyang, un drone agricole répand des pesticides sur un champ. L'utilisation de drones pourrait se généraliser dans de nombreux domaines, au-delà du simple aspect militaire. (XINHUA/LIU JUNXI)
Un outil déjà présent
Les drones ont déjà été utilisés aux Philippines, après le passage du super-typhon Haiyan. Les organisations de premiers secours s'en sont servies immédiatement après le sinistre pour évaluer la situation dans les zones les plus difficiles d'accès, et y répartir au mieux l'aide d'urgence. Dans les premières heures, des drones ont également servi pour des opérations de recherche de victimes, grâce à des caméras infrarouges. Les drones ont continué à voler dans les semaines suivant le typhon, utilisés comme outil d'évaluation des progrès des ONG.


L'association UAViators (de Unmanned Aerial Vehicle, acronyme anglais pour les drones volants), véritable «réseau social» des pilotes de drones civils, recense de nombreux autres théâtres d'opération, à travers le monde entier. Sur leur carte, continuellement mise à jour, on peut trouver un déraillement en Italie, des tornades aux Etats-Unis, des glissements de terrain au Brésil, un éboulement en Birmanie. Partout, des drones ont été utilisés dans le cadre de l'intervention des services de secours. 

Les avantages du drone en terme humanitaire sont nombreux. La plupart des petits quadrimoteurs disponibles dans le commerce peuvent être déployés à la main, sans besoin d’infrastructures lourdes et pour un coût relativement limité. Les drones sont des outils modulables, qui peuvent être équipés pour transporter des charges légères, observer le terrain à l'aide de caméras standards ou infrarouges, directement connectées à un ou plusieurs opérateurs.
 
La fonction sur laquelle les associations sont les plus enthousiastes, c’est la cartographie. Un drone permettrait de couvrir des territoires vastes et d’en suivre les évolutions avec précision et rapidité. Il serait beaucoup plus rapide qu’un recensement sur le terrain et beaucoup moins coûteux que des survols par hélicoptère. L'Université de Stanford a créé une application permettant de croiser les images prises depuis des drones aux données cartographiques pour déterminer les meilleurs emplacements pour des camps de réfugiés. Les experts des ONG peuvent également les utiliser pour estimer les mouvements de population à la suite d'un désastre, les flux de migration ou l'état des zones agricoles, tout cela sans risquer leur peau dans des zones parfois contrôlées par des bandes armées.
 
Des problèmes à régler
Mais le drone n'est pas le bienvenu sur tous les terrains. En République Démocratique du Congo, les ONG présentes sur le terrain ont refusé l’aide de la MONUSCO, la mission de stabilisation des Nations Unies dans le pays, qui proposait d’opérer des reconnaissances humanitaires avec ses drones de catégorie militaire. La MONUSCO utilise ses «gros moustiques», le surnom attribué par la population aux deux Falco (non-armés) de Finmeccanica, pour suivre les déplacements de la multitude de bandes armées qui persistent dans l'Est du pays. En utilisant les données de ces drones, les ONG craignent de «brouiller les pistes» entre le rôle militaire des drones et un éventuel rôle humanitaire.

Un drone Falco, du type de ceux déployés par la MONUSCO en RDC.

Des questions plus habituelles se posent aussi sur l'utilisation de drones au-dessus d'espaces civils. La plupart des pays dans lesquels des ONG seraient susceptibles d'utiliser massivement des drones ne disposent pas d'un cadre légal aussi strict que les pays les plus développés sur la protection des données et de la vie privée. Le cadre d'utilisation et la conservation des images et données collectées par les drones devraient donc être strictement définis. Les drones peuvent aussi poser des problèmes de sécurité au sol, en raison du nombre relativement élevé d'accidents qu'ils subissent.

Le futur de l'humanitaire? 
Pour l’instant, seules des armées organisées ont la capacité de déployer des drones de grande taille, volant à haute altitude et avec un long rayon d'action comme les Falco (qui peuvent voler 12 heures consécutives avec une portée de 250 kilomètres). Les acteurs humanitaires sont encore limités à l'utilisation de drones de petite taille, pouvant rarement opérer hors du champs visuel de l'opérateur. Pour franchir la prochaine étape de l'utilisation du drone dans l'humanitaire, les ONG doivent résoudre le problème du coût de l'équipement (de quelques centaines à plusieurs dizaines de milliers d'euros), de la formation de son personnel et surtout, de la création de machines spécifiquement conçues pour des missions humanitaires.

Plusieurs entreprises se sont déjà lancées sur le créneau spécifique du drone humanitaire. Les Danois de DannOffice IT fournissent les organismes de l’ONU avec plusieurs modèles spécialement équipés pour des missions humanitaires. Encore plus ambitieux, l'entrepreneur grec Andreas Raptopoulos, fondateur de l'entreprise Matternet, imagine, lui, de véritables réseaux de drones à l'échelle de régions entières pour combler le manque d'infrastructures routières stables.

Un quadrimoteur de Matternet peut voyager sur dix kilomètres avec une charge de deux kilos, sans être piloté depuis le sol, pour rallier une borne de ravitaillement. A cette borne, il peut transmettre sa charge à un deuxième drone à la batterie pleine, qui répète l'opération. Un réseau d’une dizaine de ces bornes pourrait permettre d’acheminer des marchandises sur un secteur vaste de dizaines de kilomètres carrés avec une rapidité de mise en place et des coûts bien inférieurs à des infrastructures standard. Une alternative high-tech pour le milliard d'humains qui ne bénéficient pas de routes praticables toute l'année.

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