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La mort d'un Congolais à Rio rappelle les difficultés des migrants africains au Brésil

Dans ce pays de plus de 212 millions d'habitants, les immigrés africains sont relativement peu mais subissent racisme et xénophobie au même titre que les Brésiliens noirs.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Manifestation contre le meurtre du jeune Congolais Moïse Kabagambe, le 5 février 2022. Une banderole indique "Justice pour Moïse. Les vies des Noirs comptent ! Arrêtez de nous tuer !" (CARL DE SOUZA / AFP)

Des centaines de personnes ont manifesté le 5 février au Brésil pour demander justice pour un jeune Congolais de 24 ans battu à mort le 24 janvier sur une plage de Rio de Janeiro. Si l'immigration africaine reste à la marge dans ce pays de plus de 200 millions d'habitants, ce drame relance le débat sur le racisme au Brésil.

Arborant des pancartes avec son portrait et des slogans contre le racisme et la xénophobie, plusieurs centaines de manifestants, parmi lesquels des membres de la communauté congolaise, se sont rassemblés autour du bar de plage où Moïse Kabagambe était employé. Le jeune homme y a été lynché par cinq hommes. Selon sa famille, il était venu réclamer un arriéré de salaire de 200 reais (une trentaine d'euros) au gérant du bar.

(Rendons justice à Moïse à Rio)

Des manifestations ont également eu lieu à Sao Paulo, Brasilia, Salvador de Bahia et Belo Horizonte, relate l'AFP. Trois personnes impliquées dans le passage à tabac fatal ont été arrêtées, selon la police brésilienne. La mort de Moïse Kabagambe a provoqué une vague d'indignation sur les réseaux sociaux. De nombreux artistes et sportifs ont réclamé justice pour le jeune homme, parmi lesquels le footballeur Gabriel Barbosa ou le chanteur Caetano Veloso. 

(Traduction : "J'ai pleuré aujourd'hui en lisant le meurtre de Moïse Mujenyi Kabagambe dans un kiosque à Barra da Tijuca. Que le nom du kiosque soit Tropicália approfondit, pour moi, la douleur de voir qu'un réfugié de la violence rencontre la violence au Brésil.")

Un "boom migratoire" 

Fuyant avec ses deux frères les violences en Ituri, dans l'est de la République démocratique du Congo, Moïse Kabagambe avait été accueilli à son arrivée au Brésil en 2011 par l'ONG catholique Caritas. Tous trois avaient obtenu le statut de réfugié, précise La Croix

"Entre 2010 et 2018, le nombre de demandes d'asile déposées au Brésil a été multiplié par 80. Ce 'boom migratoire' est sans précédent, non seulement par son importance, mais surtout en raison de la variété des pays d'origine des migrants : Amérique du Sud, Caraïbes, Afrique, Europe et même Asie", précisait le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) en 2019. Ainsi, 70 000 Africains, principalement issus de l'ouest du continent, ont rejoint le Brésil pendant cette période. Le ministère de la Justice brésilien estime que les réfugiés congolais sont au nombre de 1 798. 

La communauté congolaise manifeste à Sao Paulo le 5 février contre le meurtre d'un émigré congolais Moïse Kabagambe à Rio, le 24 janvier 2022. (CRIS FAGA / NURPHOTO)

"Une fois que vous entrez dans le pays et que vous faites votre demande d'asile, vous avez les mêmes droits que tout Brésilien", indiquait en 2015 le professeur Duval Fernandes, dans Le Point. Mais aujourd'hui, dans un contexte économique plombé notamment par la crise sanitaire, selon Les Echos, trouver un travail devient plus difficile pour les migrants.

Un contexte de violence raciste 

Ce meurtre "ne peut être considéré isolément du contexte dans lequel vivent et passent des milliers de jeunes hommes et femmes noirs tués ces derniers temps", a déclaré Zanoni Demettino Castro. Le responsable de la Pastorale afro-brésilienne de la Conférence épiscopale, repris par l'agence Fides, précise que "sur les 34 918 morts violentes de jeunes signalées à la fin de 2021, 80% étaient des jeunes Noirs"

"Il s'agit de la mort d'un étranger qui était notre frère, parce qu'il était noir. Nous sommes ici pour montrer notre résistance, pour montrer que nous ne laisserons pas impuni ce qui s'est passé."

Bruna Lira, une étudiante de 19 ans

à l'AFP

Le Brésil "n'accorde de la valeur qu'aux étrangers aux yeux clairs et qui parlent anglais. Si c'est un Noir qui est venu d'Afrique pour essayer de grandir ici, il n'a aucune valeur", a déclaré à l'AFP Douglas Alencar, le coordinateur à Rio de Janeiro de l'Ipad, un institut militant pour la défense de la démocratie.

Au-delà d'un phénomène lié au boom migratoire, le racisme est fortement ancré au Brésil. Et la mort d'un homme noir roué de coups en novembre 2020 par des vigiles blancs d'un supermarché à Porto Alegre avait déjà mis le feu aux poudres dans le pays. A l'époque, l'Organisation des nations unies avait demandé une enquête indépendante et dénoncé un "racisme structurel" au Brésil.

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