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Migrants: les réfugiés africains en Israël dénoncent le racisme de Netanyahu

Sous la pression de ses ultras, le Premier ministre israélien a douché les espoirs de milliers de clandestins soudanais et érythréens en annulant brutalement le 3 avril 2018 un accord avec l'ONU qui aurait permis à certains d'être réinstallés dans des pays occidentaux et à d'autres d'obtenir un permis de séjour en Israël. Les migrants dénoncent, eux, un comportement raciste de Benjamin Netanyahu.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des migrants africains manifestent à Jérusalem, le 4 avril 2018, contre l'annulation par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d'un accord avec les Nations Unies, visant à éviter les déportations forcées de milliers de migrants africains.  (MENAHEM KAHANA/AFP)

Dans un parc près de la gare routière de Tel-Aviv, des dizaines de migrants africains attendent que des Israéliens viennent leur proposer un travail journalier, essayant de trouver de quoi vivre dans un pays où beaucoup ne veulent pas d'eux.
 
«Je n'ai pas d'avenir», lâche Mohamed Idris, un Soudanais de 32 ans rencontré par l'AFP quelques jours après la volte-face de Benjamin Netanyahu.
 
Cet homme, arrivé il y a six ans en Israël, vit modestement dans une seule pièce qu'il loue à Tel-Aviv avec quatre autres migrants. Il travaille souvent dans la construction pour des employeurs israéliens.
 
Où le vent nous emportera?
Mais aujourd'hui, face à l'intransigeance du gouvernement, il lâche inquiet: «Nous ne savons pas où le vent nous emportera.»
 
Depuis des mois, les quelque 42.000 migrants africains vivant en Israël sont ballotés au gré des différentes annonces gouvernementales. La plupart sont arrivés après 2007, à partir de l'Egypte. La frontière, encore poreuse à l'époque, a été rendue quasiment hermétique depuis.
 
Benjamin Netanyahu avait promis en 2017 de «rendre aux citoyens d'Israël» le sud de Tel-Aviv, où vivent une grande partie de ces Africains. Un premier plan gouvernemental intimait à ces migrants de partir vers leur pays d'origine ou un Etat tiers d'ici le 1er avril 2018, sous peine d'être incarcérés indéfiniment.
 
Les femmes, les enfants et les hommes présents avec leur famille n'étaient pas concernés. Mais le Haut-commissariat aux réfugiés de l'ONU et de nombreux Israéliens dont des survivants de la Shoah avaient dénoncé ce projet.

Des enfants de migrants africains clandestins nourris dans un jardin d'enfants tenus par des Erythréens dans un quartier du sud de Tel-Aviv, le 5 avril 2018.  (JACK GUEZ/AFP)

Israël admettait tacitement ne pas pouvoir renvoyer dans leur pays les Erythréens et Soudanais sans mettre leur vie en danger. Le régime érythréen est en effet accusé par l'ONU de crimes contre l'humanité «généralisés et systématiques».
 
Quant au président soudanais, il est, lui, recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour des accusations de crimes de guerre. Israël avait donc imaginé les renvoyer vers un pays tiers, le Rwanda, qui a finalement refusé.

Tollé dans les rangs de l'aile droite de la coalition 
Annulé, ce plan avait été remplacé par un accord prévoyant la réinstallation de plus de 16.000 Soudanais et Erythréens vivant en Israël dans des pays occidentaux, l'Etat hébreu s'engageant à en régulariser un nombre équivalent.
 
Mais face au tollé dans l'aile droite de sa coalition, le Premier ministre a, en moins de 24 heures, annulé ce nouveau plan annoncé pourtant en grande pompe.
 
Selon un récent sondage, deux-tiers des juifs israéliens soutiennent l'expulsion des migrants. Dans les quartiers pauvres du sud de Tel-Aviv, certains habitants s’en réjouissent même.
 
«Il faut tous les expulser», déclare à l'AFP Meir Bachar. «Je ne veux pas paraître raciste ou extrémiste mais il n'y a aucune raison d'expulser une partie et d'en laisser d'autres», ajoute-t-il.
  
Pour une partie des opposants à la présence de migrants africains, l'enjeu est la pérennité du caractère juif de l'Etat d'Israël menacé, selon eux, par ces non-juifs.
 
«Le Premier ministre... il déteste les Noirs»
Des habitants du quartier de Nevé Shaanan à Tel-Aviv affirment que leur présence est un des facteurs de l'augmentation de la criminalité et la prostitution. Des migrants dénoncent eux du racisme.
 
«Ce qui les dérange, c'est la couleur de notre peau, c'est pour ça qu'ils veulent nous expulser», affirme Halofom Sultan, président du comité des migrants érythréens de Nevé Shaanan.
 
Yordonsh Tekla, une jeune Erythréenne de 28 ans, confie avoir suivi son mari arrivé en 2010. Tout en préparant un repas de fête pour Pâques dans son appartement décoré d'images de Jésus, elle raconte avoir été emprisonnée en Erythrée avec sa belle-mère après la fuite de son époux.
 
Fredi Karabuskel, un Erythréen qui raconte ne pas pouvoir rentrer dans son pays et explique ne pas vouloir être expulsé dans un autre pays africain, fait la distinction entre les Israéliens et leurs leaders.
 
«Je pense que les gens ici sont d'accord avec notre présence, mais ce que fait le Premier ministre, c'est du racisme (...). Il déteste les Noirs.»

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