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Liberia: 12 ans de pouvoir d'Ellen Johnson Sirleaf, un bilan mi-figue mi-raisin

En 2005, la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf était entrée dans l'Histoire en devenant la première présidente élue du Liberia et d'Afrique. Avant d'obtenir le prix Nobel de la paix en 2011. Le 22 janvier 2018, elle passe la main à George Weah. Loin des espoirs suscités il y a douze ans.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min

«Nous aurions aimé faire beaucoup plus de choses, notre programme était bien plus fourni que ce que nous avons finalement accompli», a reconnu Ellen Johnson Sirleaf, 79 ans, devant des jounalistes le 18 janvier.

Elle va donc participer à la première transition démocratique du pouvoir au Liberia depuis 1944, avec la prestation de serment de l'ancienne gloire du football George Weah, vainqueur d'une élection dont le déroulement pacifique a été salué à travers le monde.

Après deux mandats de six ans chacun, la future ex-présidente peut se targuer d'avoir maintenu la paix dans un pays dévasté par des guerres civiles particulièrement atroces. Lesquelles ont entraîné la mort de quelque 250.000 personnes entre 1989 et 2003. «Nous sommes repartis de zéro, avec des infrastructures détruites, une économie en ruines et un Etat incapable de fournir des services à sa population», a-t-elle rappelé le 17 janvier lors de son dernier discours à la nation.

Sur le plan des réformes économiques et sociales, son bilan n’est guère brillant. Le pays reste l'un des plus pauvres au monde malgré d'importantes ressources de minerai de fer, caoutchouc et huile de palme. «Quand elle est arrivée au pouvoir, les attentes étaient tellement grandes qu'il était tout simplement impossible qu'elle les remplisse, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a pas essayé», estime le professeur de sciences politiques libérien Emmanuel Nimely.

Réélue en 2011, l'année où elle a reçu le prix Nobel de la paix, Ellen Johnson Sirleaf a vu son pays entrer en récession en 2016 sous l'effet de l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest et de la chute des cours des matières premières. «Son second mandat a aussi été marqué par le retour d'un grand nombre de personnes de la diaspora pour trouver du travail, tandis que les citoyens qualifiés ne trouvaient pas de boulot», souligne Emmanuel Nimely. «Cela a braqué énormément de gens contre le régime, en particulier chez les jeunes, qui se sont tournés vers George Weah.»


«Dame de fer»
En 2011, son prix Nobel avait été salué dans le monde entier. Mais il avait suscité des réactions mitigées dans son pays. Son principal opposant de l'époque avait estimé que la récompense n’était «pas méritée» et «provocante» en pleine compétition électorale.

Née Ellen Euphemia Johnson le 29 octobre 1938, cette femme au teint clair, qui affectionne tenues et coiffes traditionnelles africaines, raconte dans ses mémoires qu'on lui avait prédit un destin de dirigeante. Quelques jours après sa naissance, un vieil homme aurait dit à sa mère: «Cette enfant jouera un rôle important. Elle sera appelée à diriger.»

Jusqu'à l'âge adulte, elle avoue avoir eu du mal à croire cette prédiction. «Je regardais tous mes amis aller au collège à l'étranger tandis que je restais à la maison à Monrovia, prisonnière d'un mari violent, avec quatre jeunes fils, et aucune perspective d'avenir», écrit celle qui a divorcé de son époux, aujourd'hui décédé, et a 11 petits-enfants.

Candidate malheureuse face au chef de guerre Charles Taylor à la présidentielle de 1997, elle est devenue en 2005 le 24e chef de l'Etat libérien et la première présidente élue d'Afrique.

Dès son investiture en 2006, cette économiste, ex-haut fonctionnaire internationale et ex-ministre des Finances, a entrepris une opération de charme auprès des institutions financières internationales qui la connaissent bien. Ce qui lui a permis en partie d'effacer la dette et d'attirer les investisseurs.


La lutte contre la corruption et en faveur de profondes réformes institutionnelles a toujours été au cœur de son action politique. Cela lui a valu son surnom de «Dame de fer», en référence à l’ex-Première ministre britannique Margaret Thatcher, et d'être envoyée deux fois en prison dans les années 1980 sous le régime de Samuel Doe. Une réputation un peu écornée par l’apparition de son nom dans les Panama Papers.

En tout cas, son bilan n'a pas aidé son vice-président, Joseph Boakai, resté 12 années à ses côtés, et vaincu par George Weah lors du second tour de la présidentielle, le 26 décembre 2017.

«Aux yeux de beaucoup, le népotisme, la corruption, la gabegie et un système éducatif défaillant ont plombé le bilan du gouvernement», analysait récemment le quotidien libérien FrontPage Africa. Le Parti de l'unité l'a même exclue le 14 janvier, lui reprochant de ne pas avoir suffisamment fait campagne pour son ancien adjoint.

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