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Ethiopie: accusations de tortures contre des séparatistes de la région Somali

Les prisonniers soupçonnés d'appartenir à un groupe séparatiste de la région Somali, en Ethiopie, subissent des tortures et des viols dans une prison tenue secrète, appelée «Jail Ogaden», a accusé le 4 juillet 2018 l'ONG Human Rights Watch, réclamant l'ouverture d'une enquête. L'Ogaden, zone au sud-est de l'Ethiopie, est en proie depuis de nombreuses années à des revendications séparatistes.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Capture d'écran du site de HRW montrant la prison «ogaden» en Ethiopie à l'occasion de la publication d'un rapport sur la situation dans ce lieu de détention («Nous sommes comme morts»). (HRW, Google)

Selon un rapport de 88 pages de l'ONG Human Rights Watch, intitulé «Nous avons l’air d’être morts: Torture et autres atteintes aux droits humains à Jail Ogaden, dans l’Etat régional Somali en Ethiopie», l'organisation de défense des droits de l'Homme affirme que des membres suspectés d'appartenir au Front national de libération de l'Ogaden (ONLF) forment l'essentiel de la population de la prison Ogaden, où la plupart des prisonniers sont détenus arbitrairement et sans inculpation et subissent divers abus, dont la privation de nourriture. Ce texte décrit «la récurrence systématique de brutalités et  d’abus – notamment la torture, le viol et l’humiliation – ainsi qu’un accès limité aux soins médicaux, aux proches, aux avocats et même parfois à la nourriture.» 
 
Ces exactions sont commises par les forces de sécurité régionales, appelées la police Liyu, avec l'autorisation du gouvernement de la région Somali, précise HRW, qui a documenté des abus commis entre 2011 et début 2018 en interrogeant près de 100 personnes, dont d'anciens détenus et membres des forces de sécurité.


«On ne peut pas suffisamment souligner le niveau de torture et d'abus à Jail Ogaden», reconnaît Felix Horne, chercheur à HRW. Le nouveau Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, entré en fonction en avril, «doit continuer à condamner publiquement la torture et agir contre Jail Ogaden pour montrer sa détermination à en finir avec la torture et l'impunité», a estimé le chercheur. «L'horrible situation qui est celle de Jail Ogaden requiert immédiatement une enquête transparente sur les actes du président régional, ceux d'autres responsables de la région Somali, et ceux de la police Liyu», a réclamé M.Horne.

Nouveau gouvernement à Addis-Abeba
Dès son entrée en fonction, M.Abiy a cherché à mettre un terme aux insurrections de groupes séparatistes ainsi qu'à diverses violations des droits fondamentaux. Il a d'ailleurs limogé cinq hauts responsables pénitentiaires, dont le directeur de l'administration pénitentiaire fédérale, quelques heures avant la publication du rapport de Human Rights Watch, selon Reuters. En juin, il a publiquement reconnu des actes de torture commis par les services de sécurité en les décrivant comme une forme de «terrorisme». Il a également soutenu une loi pour décriminaliser les groupes armés tels que l'ONLF tandis que le parlement a levé l'état d'urgence. 

Les défenseurs des droits de l'Homme accusent depuis de nombreuses années les forces de sécurité éthiopiennes d'exactions, essentiellement contre des groupes rebelles qui ont visé le parti au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF).

La région Somali d'Ethiopie est la deuxième plus étendue du pays. Limitrophe avec la Somalie et le Kenya, elle est l'une des plus instables d'Ethiopie. Des combats interethniques ont éclaté fin 2017 le long de la frontière que partagent les régions Somali et Oromia, faisant des centaines de morts et plus d'un million de déplacés.

De façon plus générale, la situation dans la Corne de l'Afrique reste très instable et l'Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, est très active dans la région. Elle intervient dans les forces de l'Union africaine en Somalie (Amisom)  et mène une politique de normalisation avec l'Erythrée.

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