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Chine: à Canton, les Africains de la «Cité chocolat» harcelés par la police

Un climat de suspicion s'est installé à Canton (sud-est de la Chine), où vit la plus grande communauté africaine d'Asie, depuis que les autorités ont lancé une campagne contre l'immigration illégale dans cette métropole de 15 millions d'habitants. Attirés par l'espoir de faire fortune, les premiers Africains arrivés il y a vingt ans se sont regroupés dans un quartier rebaptisé «Cité chocolat».
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des policiers chinois encadrent des Africains à Canton lors d'une manifestation en 2009 (photo d'archives). (Alex LEE / REUTERS)

Dans le quartier de Xiaobei, où se concentre la communauté africaine, un étudiant ghanéen a récemment été réveillé en sursaut après minuit lorsque des policiers sont venus tambouriner à la porte de son appartement pour vérifier la validité de son titre de séjour, raconte-t-il à l'AFP. Les agents ont ensuite frappé chez ses voisins de palier. 

A Canton («Guangzhou» en mandarin), pôle commercial du pays située à 2.000 km au sud de Pékin, négociants et étudiants africains disent désormais devoir faire face à une surveillance policière accrue dans ce coin de la ville, connu pour ses ruelles étroites, ses restaurants halal et ses mosquées.

Le nombre d'expatriés africains a bondi
«Ils font ça parce que des Africains habitent ici», déclare l'étudiant ghanéen qui a déménagé dans un autre quartier. «J'en avais assez d'être traité comme un criminel». 

Mais ni les contrôles d'identité parfois musclés, ni la présence accrue de policiers ne poussent pour l'instant les Africains à renoncer à leur business. Ceux-ci achètent des marchandises – bijoux et produits électroniques en tête – avant de les expédier vers leur pays d'origine.

Dans l'ensemble de la Chine, le nombre d'Africains expatriés a d'ailleurs bondi au cours des dernières décennies. Il faut dire que ces mouvements s'expliquent notamment par le renforcement des liens économiques et diplomatiques entre Pékin et le continent africain.
 
Les périodes de tension violente entre la population chinoise et les immigrés africains sont régulières, accompagnées d'interventions policières, sans qu'il y ait de véritable compte-rendu officiel sur l'importance de la présence africaine en Chine.


La confusion des chiffres
Peu de statistiques, mais, en janvier 2018, l'agence de presse d'Etat Chine Nouvelle a rapporté que la population africaine avait diminué car «la police a renforcé son application des mesures contre l'immigration illégale». Si les Africains étaient 20.000 à Canton en 2009, ils ne sont plus désormais que 15.000, selon l'agence.

Des chiffres cependant contredits dans le même article qui affirme: «Leur nombre réel, en comptant les immigrants illégaux et les personnes ayant dépassé la limite de séjour autorisée, serait bien plus élevé.» D'après des estimations de chercheurs chinois, le chiffre dépasserait même les 200.000, ce qui ferait de Canton le siège de la plus forte communauté africaine en Asie.

En 2013, la Chine a révisé sa législation sur les résidents étrangers et renforcé les sanctions contre les travailleurs clandestins et les personnes dépassant la durée légale de séjour. Sans effet réel, semble-t-il.

«Bien sûr, il y a des activités illégales, comme le trafic de drogue. Et la police doit cibler cette minorité de personnes», remarque Ohene Opoku Agyemang, doctorant en relations internationales à l'université de Jinan (est de la Chine).

Aucun des 55 pays africains ne dispose à Canton d'une Chambre de commerce
«Mais le rude traitement des Africains honnêtes nuit à l'image de la Chine et aux efforts qu'elle fait pour nouer des relations amicales avec les pays africains», déclare-t-il, soulignant la contradiction d'une telle attitude.

Pour certains Africains, les difficultés viennent de la bureaucratie de leur pays d'origine, comme l'absence de service en ligne pour les demandes d'extraits de casier judiciaire, exigés par la Chine pour des types particuliers de visa.

De manière générale, tous souffrent de ne pas être épaulés au niveau institutionnel dans le pays asiatique.
 
«Aucun des 55 pays africains ne dispose à Canton d'une Chambre de commerce», déplore Hannah Ryder, directrice à Pékin de Development Reimagined, un cabinet de conseil spécialisé dans les relations Chine-Afrique.

«Or, celles-ci pourraient véritablement être en mesure de suivre ce qu'il s'y passe ou plaider la cause des entreprises africaines», souligne-t-elle, sous-entendant qu'une solution, au moins partielle, pourrait être trouvée de ce côté.

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