Coronavirus au Nigeria : les élèves des écoles coraniques sont évacués hors de l'Etat de Kano
Les Almajiri, écoles coraniques controversées du nord du Nigeria, sont considérées comme des foyers potentiels du développement du virus.
Retour à la maison pour certains pensionnaires des écoles coraniques de la seconde ville du Nigeria, Kano, quatre millions d'habitants. Ce mercredi 22 avril, 524 enfants ont été évacués vers l'Etat voisin de Jigawa dont ils sont originaires. 200 autres vont partir pour celui de Kaduna. Au total, plus de 1 500 enfants sont concernés pour l'heure. Ils sont tous élèves d'une école coranique, volontaires. A priori, ces retours se font avec le consentement des familles et des responsables des écoles.
Kano State Government has yesterday evacuated 524 Almajiri children to neighbouring Jigawa, their state of origin.
— #ReformAlmajiriSystem (@AlmajiriLife) April 23, 2020
On Tuesday, 419 Almajiri children were evacuated to Katsina State& arrangements are being made to evacuate 195 more to Kaduna State by Thursday#almajiri #COVID19 pic.twitter.com/6uLuox4qF7
L'Etat de Kano a classé les enfants en trois catégories. Ceux qui ne sont pas originaires de cet Etat seront renvoyés dans leur Etat d'origine. Les enfants indigènes seront inscrits dans les écoles classiques de la ville. Enfin, le gouvernement régional veut également s'occuper des jeunes qui dorment dans les rues. Eux aussi seront inscrits dans des écoles où ils seront nourris et où ils percevront un uniforme.
Quand école rime avec bagne
Dans un premier temps l'opération semble louable. Les autorités s'emparent enfin du problème de ces écoles qui font souvent la Une des journaux à la page des faits divers. Dans cette région au nord du pays, les parents envoient traditionnellement leurs enfants dans des écoles coraniques nommées Almajiri. Des internats où certains gosses arrivent dès l'âge de dix ans, parfois moins. Plusieurs de ces établissements, où l'Etat n'intervient pas, sont tenus par des escrocs. L'enseignement n'y est qu'un prétexte, l'apprentissage par la lecture du Coran dévoyé, et malheureusement, les cas de maltraitance y sont légion.
En septembre 2019, la police faisait fermer une de ces écoles dans la ville de Kaduna. 300 élèves de tous âges y vivaient enfermés et enchaînés. Ces établissements sont souvent des centres de "rééducation" illégaux, où les parents se débarrassent de leurs enfants "difficiles". Dans ces murs, les coups pleuvent, les sévices se multiplient, sans que grand monde ne s'en soucie.
Mendier pour survivre
L'autre principe de cette éducation est la mendicité. Les enfants doivent parcourir les rues afin d'obtenir de quoi payer leur internat. Mendicité, petits boulots informels. Dans les faits, cette misère profite surtout au maître de l'Almajiri qui en vit grassement et redistribue souvent très peu.
A Kano, la seconde ville du pays, les autorités voudraient renvoyer chez eux 250 000 de ces enfants. L'ONG Almajiri Child Right Initiative avance le nombre de dix millions d'enfants déscolarisés dans le nord du pays. On en retrouverait beaucoup dans les Almajiri. Ils seraient plusieurs millions à vivre dans la rue.
La pandémie fait réagir
A cause de l'épidémie de coronavirus, les écoles classiques du pays ont été fermées, mais pas les Almajiri. Or, aux yeux des ONG qui s'y intéressent, ces écoles coraniques constituent un foyer potentiel de propagation de la maladie. Les enfants y vivent entassés, dans des conditions d'hygiène déplorables. Enfin, ils doivent parcourir les rues à la recherche de leur subsistance, devenant ainsi des vecteurs puissants du virus.
Mais si la menace de pandémie a fait réagir les autorités, ces dernières ne s'attaquent pas au cœur du problème. Déjà, le nombre de retours envisagé, bien qu'important, ne représente qu'une faible partie des élèves des Almajiri qui mendient, selon les ONG. La mendicité a bien été interdite avant l'arrivée du coronavirus, mais la police a vite abandonné la traque, rappelle l'AFP. Et surtout, les autorités n'annoncent pas de contrôles sur ces écoles islamiques qui agissent sans aucun cadre légal, et parfois pour le pire.
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