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Nigeria : comment arrêter Boko Haram ?

Le groupe islamiste nigérian multiplie les offensives autour du lac Tchad. Réunis à Addis-Abbeda, les pays de l'Union africaine cherchent la parade.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des militaires tchadiens patrouillent le 21 janvier 2015 à la frontière entre le Nigeria et le Cameroun, à 40 km de Maltam (Cameroun). (ALI KAYA / AFP)

Des militaires tchadiens déployés au Cameroun pour lutter contre des islamistes nigérians. L'incongruité de la situation résume bien le défi que pose Boko Haram aux pays de la région. Quelques semaines après une vague d'attaques particulièrement meurtrières sur les rives du lac Tchad, une étendue d'eau à cheval sur le Nigeria, le Cameroun, le Niger et le Tchad, la lutte contre la secte islamiste est l'un des principaux sujets du sommet de l'Union africaine (UA) qui s'est ouvert vendredi 30 janvier à Addis-Abeba (Ethiopie). 

"Le terrorisme, en particulier la brutalité de Boko Haram contre nos populations, est une menace pour notre sécurité collective et pour notre développement. Elle s'est désormais propagée à la région au-delà du Nigeria et nécessite une réponse collective, efficace et décisive", a déclaré Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l'UA, en ouvrant le sommet.

Mais comment lutter contre un groupe qui contrôle des pans entiers de la première puissance économique du continent ? Francetv info a posé la question à des spécialistes de la région.

Intervenir militairement

La première réponse pourrait être militaire. "Boko Haram n'est plus seulement une secte qui commettrait des attentats dans quelques localités du pays. C'est un groupe qui a des capacités militaires, qui a attaqué des villes et des camps de l'armée camerounaise", justifie Gilles Yabi, fondateur du think tank sénégalais Wathi et ancien membre de l'International Crisis Group. "C'est nécessaire, ne serait-ce que pour reprendre le terrain conquis par Boko Haram", abonde William Assanvo, chercheur principal à l'Institut d'études de sécurité à Dakar (Sénégal).

Cette riposte ne peut pas simplement venir de l'armée nigériane. Les piètres performances des troupes d'Abuja et les incursions de Boko Haram dans les pays voisins appellent une intervention régionale. Le Tchad est déjà intervenu au Cameroun et l'Union africaine a appelé vendredi à la création d'une force militaire régionale de 7 500 soldats.

Mettre en place une vraie coopération régionale

Au-delà des hommes, les chercheurs interrogés par francetv info insistent également sur la coopération entre les Etats concernés. Il y a quelques années, "le Nigeria avait demandé un droit de poursuite des militants de Boko Haram sur le territoire camerounais, qui lui avait été refusé", se rappelle Samuel Nguembock, chercheur associé à l'Iris. Aujourd'hui, c'est à l'inverse le Nigeria qui semble réticent à l'idée d'une intervention étrangère sur son sol, alors que le Cameroun a laissé entrer le contingent tchadien.

Face à un groupe qui se joue des frontières, "il est important qu'il y ait une véritable coopération entre les armées des pays concernés, pour partager les informations et coordonner les opérations contre Boko Haram", estime Gilles Yabi. Pour lui, l'intervention régionale "ne signifie pas forcément une présence importante de troupes étrangères sur le territoire nigérian". "Ce sera d'abord une présence à la frontière pour contenir Boko Haram", estime-t-il.

Apporter une aide internationale

Sur RFI, un ministre camerounais a posé la question d'une "mission onusienne" contre Boko Haram. "Le principe d'une force de maintien de la paix de l'ONU n'a pas été validé pour l'instant, tempère Gilles Yabi. Mais, en revanche, le financement de la force régionale pourra impliquer des partenaires non-africains." 

Pour Samuel Nguembock, ce soutien est "indispensable". "La capacité de mobilisation des Etats africains est limitée, au regard de la multiplication des foyers de tensions, au Soudan, en Libye, au Nord Mali ou en Centrafrique", rappelle-t-il. Cette aide pourrait être financière, mais aussi humanitaire. "Dans le nord du Cameroun, les services de santé ne fonctionnent plus. L'Etat est incapable de lutter contre Boko Haram et, en même temps, de venir en aide à ses populations", précise le chercheur associé à l'Iris.

Développer l'économie des régions où sévit le groupe

A plus long terme, "la réponse militaire est nécessaire, mais elle n'est pas satisfaisante parce que la réalité est beaucoup plus complexe", analyse Samuel Nguembock. "Le développement de la radicalisation islamiste dans le nord du Nigeria a profité de certaines conditions socio-économiques", précise William Assanvo, en évoquant "la marginalisation" de cette zone.

Dans l'Etat de Borno, le berceau de Boko Haram, les trois quarts de la population vivent en effet sous le seuil de pauvreté, comme l'expliquait francetv info en 2013. Elle ne profite pas de la manne pétrolière qui fait la richesse du pays. Surfant sur ce terreau fertile, Boko Haram demandait "à l'origine, une meilleure répartition des ressources et de lutter contre la corruption", rappelait en 2013 Laurent de Castelli, chercheur spécialiste de la secte.

Le développement économique de la région est donc nécessaire pour priver Boko Haram d'une partie de son argumentaire et regagner le terrain perdu. Mais, "cette réponse ne pourra malheureusement se déployer qu'une fois qu'on aura ramené un minimum de sécurité dans la région", tempère Gilles Yabi, avant de glisser : "il aurait fallu s'en occuper beaucoup plus tôt".

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