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Au nord du Nigeria, l'école confrontée au terrorisme est menacée de disparaître et l'avenir des enfants avec

Face aux attaques et aux enlèvements à répétition, des centaines d'écoles ont fermé. Avec pour les filles le spectre supplémentaire du mariage précoce.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Une salle de classe dévastée lors d'une attaque contre un collège pour filles à Dapchi, au nord du Nigeria. 110 élèves y avaient été enlevés le 28 février 2018. (AMINU ABUBAKAR / AFP)

Le 26 février dernier, 279 jeunes filles étaient enlevées en pleine nuit dans leur pensionnat de Jangebe dans l'Etat de Zamfara, au nord-ouest du Nigeria. Toutes ont été relâchées quelques jours après, sans qu'on sache si une rançon a été versée. Un énième épisode de l'insécurité qui frappe les établissements scolaires au nord du pays. Ainsi, entre décembre 2020 et mars 2021, cinq écoles ont été attaquées. Pas moins de 700 élèves, enfants ou adolescents, ont été enlevés lors de ces attaques. Ce qui était, il y a peu encore, l'apanage de Boko Haram s'est désormais étendu au nord-ouest du pays, touchant également l'Etat central de Kaduna.

Terreur et rançons

Toutes ces attaques ont un seul et même but : enlever les élèves et réclamer le paiement d'une rançon en échange de leur libération. On ne sait pas grands choses des agresseurs, qualifiés de "bandits" par les autorités."Les bandes criminelles du nord et du centre du Nigeria pratiquent depuis des années des enlèvements contre rançons en attaquant des villages ou des bus sur des axes routiers", précise l'AFP.

Ces bandes auraient juste changé de cible, se rapprochant ainsi de la rhétorique de Boko Haram. Une forme d'allégeance, peut-être, mais surtout un moyen de gagner de l'argent.

500 classes détruites

Au-delà du traumatisme subi par ces jeunes lors des attaques, c'est aussi leur avenir qui est en péril. Ainsi, faute de pouvoir apporter une réponse sécuritaire à cette menace, les autorités ferment purement et simplement les écoles. C'est le cas dans les Etats de Kano, Kaduna, Zamfara, Jigawa et Katsina où, selon Amnesty International, 600 écoles ont été fermées.

Une élève, enlevée lors de l'attaque de son école à Jangebe, au nord du Nigeria, vient de retrouver la liberté le 2 mars 2021. (AMINU ABUBAKAR / AFP)

Un chiffre qui s'ajoute aux 800 écoles fermées et aux 500 classes détruites dans les trois Etats du nord-est où sévit Boko Haram : Borno, Yobe, Adamawa. Ainsi, dans le nord, la moitié des enfants en âge d'être scolarisés sont privés d'école.
Des élèves qui viennent grossir le flot des enfants déscolarisés au Nigeria, estimé à plus de dix millions par l'Unicef.

L'Etat impuissant

Amnesty International s'insurge contre le manque de réactivité des autorités, incapables d'assurer la sécurité des établissements scolaires. "Il incombe aux pouvoirs publics de veiller à ce qu’aucun enfant ne soit laissé de côté. L’éducation est un droit humain et les autorités doivent faire en sorte que tous les enfants aient accès à une éducation de base dans un environnement sans violence, ni menaces d’attaques."

L'organisation alerte également sur la défiance de certains habitants qui ne veulent plus scolariser leurs enfants en raison des dangers. "Les écoles ne sont pas sûres. Les autorités ne sont pas dignes de confiance et nous ne les croyons pas quand elles affirment qu’elles protégeront nos enfants", explique un parent d'élève.

Ces jeunes filles, encore sous le choc, ont réussi à échapper à l'attaque menée contre leur école, le 28 février 2018 à Dapchi, au nord du Nigeria. (AMINU ABUBAKAR / AFP)

Un enseignant de Kano précise à l'AFP que ce sont les écoles publiques qui ont fermé. Des établissements gratuits, peu coûteux, qui accueillent les enfants les plus pauvres. "Ces attaques ont détruit tous les efforts déployés pour qu'ils aillent à l'école", ajoute l'enseignant.

Mariages forcés

Dans ce contexte, l'avenir est encore plus sombre pour les filles, menacées en outre par des mariages précoces. "Les filles sont encore plus touchées par cette triste histoire, explique à l'AFP le père d'une élève enlevée lors de l'attaque de Jangebe. Parce que beaucoup de parents vont les forcer à se marier plutôt que de les garder à ne rien faire à la maison."

Dans le nord du Nigeria, où règne la charia, les mariages précoces, parfois dès l'âge de 12 ans, sont déjà une triste réalité.

"La fermeture des écoles, l'isolement par rapport aux amis et aux réseaux de soutien, la pauvreté croissante alimente un incendie que le monde avait du mal à éteindre", reconnaît Henrietta Fore, directrice exécutive de l’Unicef. Si la fermeture des écoles se prolonge, les filles ne retourneront jamais dans le système éducatif.

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