Cet article date de plus de sept ans.

Les faux médicaments menacent l'Afrique

Les autorités du Niger ont annoncé la saisie de faux vaccins contre la méningite. La contrefaçon et la falsification de médicaments touchent tous les pays du monde. Mais en raison de la pauvreté de sa population, l’Afrique est la plus menacée. 200.000 personnes en meurent chaque année. En cause de faux médicaments contre le paludisme. Mais l’OMS décompte près d’un millier de références falsifiées.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le marché d'Adjamé à Abidjan, en Côte d'Ivoire, accueille 8000 vendeuses de médicaments. (ISSOUF SANOGO / AFP)

L’Organisation mondiale des douanes (OMD) et l’Institut international de Recherche Anti-contrefaçon de Médicaments (IRACM) ont mené en septembre 2016 une opération commune à l’encontre du trafic de faux médicaments. L’opération ACIM a permis de saisir 113 millions de produits pharmaceutiques illicites. ACIM a mobilisé 16 administrations douanières africaines durant 10 jours. Des contrôles ont été menés simultanément dans les principaux ports du continent. Plus d’un conteneur fouillé sur deux renfermait des médicaments falsifiés. En valeur, les saisies atteignent un montant à la revente estimé à 52 millions d’euros. Nigeria, Bénin, Kenya et Togo ont été les pays des plus grosses saisies.
 
Pharmacie de rue
Ainsi, Nigeria et Bénin seraient les portes d’entrée en Afrique pour la moitié des médicaments falsifiés. Au Bénin notamment, il n’y a pas de moyens juridiques pour lutter contre le trafic. En Côte d’Ivoire en revanche, une grosse opération a été menée contre le marché d’Adjamé-Roxy à Abidjan, le 3 mai 2017. 150 policiers et gendarmes ont démoli les échoppes du marché.

C’est le plus gros marché parallèle de médicaments du pays. Selon l’ordre des pharmaciens, le tiers des ventes de médicaments en Côte d’Ivoire passe par ce marché. La perte pour le secteur est estimée à 50 milliards de francs CFA (76 millions d’euros). Mais à l’inverse, c’est aussi une source de revenus pour des femmes qui s’improvisent pharmaciennes. On estime leur nombre à 8000 à Adjamé-Roxy.


Les faux médicaments sont un fléau en Afrique. Depuis 2012, les actions conjointes des deux organismes ont permis la saisie de 869 millions de médicaments contrefaits. Leur valeur marchande est estimée à 400 millions d’euros. D’après l’OMS, selon les pays d’Afrique, de 30 à 60% des médicaments sont contrefaits. En 2013, la même OMS lançait un système mondial de surveillance pour notamment mesurer l’ampleur de ce problème. Depuis ce jour, 920 produits médicaux ont été signalés, appartenant à toutes les principales classes thérapeutiques.
 
Même les vaccins
Les produits saisis sont essentiellement des médicaments de première nécessité. Au premier rang, bien sûr, on trouve des antipaludéens, des anti-inflammatoires et des antibiotiques, mais aussi des anticancéreux et des antirétroviraux. Dernièrement, c’est un faux vaccin contre la méningite qui a été découvert au Niger. Le fabricant a alerté l’OMS, alors que le pays fait face à une épidémie qui en cinq mois a fait 358 morts pour 5200 cas.

Cette pharmacopée alimente le marché parallèle et constitue un véritable danger pour la population. Les principes actifs peuvent être surdosés. A l’inverse, le stockage du médicament, souvent dans la chaleur, le rend inutile. Vendus sans ordonnance, leur posologie est établie par une vendeuse souvent analphabète. Selon l’OMS, 200.000 personnes meurent chaque année de ces prescriptions sauvages.
 
Pourquoi tant de médicaments contrefaits?
La pauvreté, l’absence de couverture sociale, les prix pratiqués, expliquent le succès de la pharmacie de rue. «Les patients les plus démunis vont à Adjamé-Roxy parce que c’est moins cher et qu’ils n’ont pas besoin d’ordonnance», déclare au journal Le Monde Christelle Diawara, pharmacienne à Treichville.

«Les pays en développement constituent une cible évidente pour les faussaires, en raison du fait que le prix des médicaments licites est souvent hors de portée du plus grand nombre et les contrôles plutôt laxistes», explique l’OMS.
 
D’où viennent-ils ?
Etonnamment, les organismes spécialisés comme l’OMS ne s’étendent guère sur l’origine de ces produits. Tout juste citent-t-elles Interpol, pour qui il y a des cas de contrefaçons de médicaments dans toutes les régions du monde. «Il existe un flux de produits venant de partout et allant partout, tant il y a de plaques tournantes,» déclare Aline Plançon, d’Interpol. Cela dit, Chine, Inde et Russie en constituent le trio de tête.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.