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Tunisie, Algérie: la visite de MBS au Maghreb rencontre une forte opposition

Plusieurs dizaines de militants et journalistes tunisiens ont organisé le 26 novembre 2018 une manifestation à Tunis contre la visite du prince héritier d'Arabie Saoudite, Mohammed ben Salman, qui a programmé des visites en Afrique du Nord. Alger a accepté la visite, tout comme la Tunisie et la Mauritanie… Seul le Maroc ne fait pas partie des escales du prince.

Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
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La photo prise le 26 novembre 2018 montre une bannière suspendue au siège de l'Association des Femmes Démocrates Tunisiennes dans la capitale Tunis, montrant le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman tenant un fouet avec une légende en arabe affirmant "le bourreau, n'est pas le bienvenu". (FETHI BELAID / AFP)

La manifestation a été organisée sur l'avenue Habib Bourguiba dans le centre de Tunis à l'appel de militants des droits de l'Homme et de journalistes. Les manifestants brandissaient des tracts revendiquant "la liberté pour les femmes saoudiennes" ou accusant "Ben Salman [d'être] le meurtrier en chef", faisant ainsi allusion au meurtre du journaliste Jamal Khashoggi.

"La révolution tunisienne ne peut pas accepter de recevoir (Ben Salman) et de l'autoriser à se laver de ce meurtre (par cette visite)", a expliqué Soukaina Abdessamad, membre du Syndicat des journalistes tunisiens.

Manifestation à Tunis

Pour Messaoud Romdhani, le président du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), cité par RFI, le refus de cette visite se base sur trois raisons majeures : " La première, c’est la mort de Khashoggi, un crime ignoble. Deuxième chose, c’est la guerre yéménite où il y a des dizaines de milliers de civils, morts et blessés. Et troisième chose, la situation des droits de l’Homme dans ce pays."

A Tunis, le 26 novembre, une affiche, déployée sur la façade de l'Union tunisienne des journalistes,  montre le prince héritier Ben Salman avec une tronçonneuse. (YASSINE GAIDI / ANADOLU AGENCY)

Mis en cause dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, le prince héritier d’Arabie "suscite un vif débat dans les médias et sur les réseaux sociaux au Maghreb et au Moyen-Orient ", note le site en ligne algérien TSA qui rajoute qu'"Alger n’a pas réagi à l’affaire Khashoggi. Tunis a timidement condamné l’assassinat du journaliste."

"L’affaire ne doit pas constituer une occasion pour déstabiliser le Royaume ", a nuancé Khemaies Jhinaoui, ministre tunisien des Affaires étrangères, pays dont " les caisses étant vides (donc) difficile de faire la fine bouche ", note un blog de Médiapart.

Pétition en Algérie

D’ailleurs l’escale tunisienne de MBS " s’accompagnerait d’un dépôt à la Banque centrale de deux milliards de dollars et de la fourniture de pétrole à des tarifs préférentiels ", selon RFI.  

En Algérie aussi, des voix se font entendre contre cette visite.  Le président du MSP (islamiste) Abderrazak Makri a jugé que “les conditions actuelles ne permettaient pas de recevoir le prince héritier Mohamed Ben Salman”, rapporte TSA

Il est responsable de la mort de beaucoup d’enfants au Yémen, de prédicateurs et d’intellectuels et de l’assassinat, à la façon de Daech, du journaliste Jamal Khashoggi”, a déclaré M.Makri qui a ajouté qu’ “Il veut faire de l’Algérie une république bananière”.

Une pétition "Non à la venue de Mohammed Ben Salman en Algérie " a été signée par plus de 2.000 personnes. " Non à la visite de MBS, le prince Mohammed Ben Salman, au pays des 1,5 millions de martyrs. Simplement parce que les circonstances ne s'y prêtent pas. L'objectif de ce voyage est de s'innocenter de graves faits dont les guerres...", affirme le texte.

Pour le très nationaliste Algérie Patriotique, " Mohammed ben Salman cherche à se refaire une virginité auprès des ‘‘frères arabes’’, en donnant sa version des tenants et des aboutissants de cette affaire (l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi) qui a confirmé la nature brutale et sauvage du régime saoudien."  

Pas de visite au Maroc

Alors que le prince héritier n’a pas programmé d’arrêt au Maroc, le site marocain d’information en ligne TelQuel titre MBS boycotte le Maroc et s’interroge sur les raisons de l’absence d’escale au Maroc. Si officiellement il n’existe aucune tension entre Ryad et Rabat, plusieurs dossiers semblent troubler les relations traditionnellement bonnes entre les deux monarchies.

Selon Le Desk, "le Maroc, qui n'a pas brisé ses liens avec le Qatar comme le souhaitait l'Arabie Saoudite, est ainsi le seul pays du Maghreb boudé par MBS ". Autre grief possible, rappelle Telquel, "quelques mois plus tôt, en juin, l’Arabie Saoudite avait soutenu la candidature américaine à l’organisation du Mondial 2026 ", pour laquelle le Maroc était candidat. Le site ajoute : "Il n’est pas sans rappeler également que le roi Salman ne s’est pas rendu, comme il a pourtant l’habitude de le faire depuis deux ans, à Tanger pour y passer ses vacances d’été ". 

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