Le film «Much loved» de Nabil Ayouch sur la prostitution au Maroc fait polémique
A peine Much Loved de Nabil Ayouch était-il présenté à la quizaine des réalisateurs à Cannes, que la polémique s’est mise à enfler. L’auteur du génial Ali Zaoua, prince de la rue, sur les enfants des rues au Maroc et primé à une vingtaine de festivals, dont celui panafricain de Ouagadougou (FESPACO), a une nouvelle fois mis les pieds dans le plat tabou du social. Much Loved est «une chronique qui raconte la vie de quatre prostituées de Marrakech, leur rapport à une société qui les juge et les condamne sans les connaître, à leur famille et à l’hypocrisie», voici comment un des plus importants cinéastes marocains d'aujourd’hui définit lui-même son film.
La prostitution enfantine mise à nue
D’après les extraits, on comprend très vite qu’il touche à l’intouchable. Des prostitués et leur ami homosexuel travesti discutent très librement et non sans humour de leur condition dans un bar. Le groupe a repéré le policier en civil attablé dans un coin tandis qu’un jeune garçon vendant des sucettes s’approche de leur table. La conversation tourne très vite également autour de la prostitution enfantine et les tarifs pratiqués par les Occidentaux.
Dans une autre scène, on peut également voir des ressortissants arabes du Golfe, reconnaissables à leurs keffiés et djellabahs blanches, buvant, mangeant et dansant avec les filles. Ils parlent de manière très débridée, accusent les Palestiniens de profiter de tout le monde, critiquent les Occidentaux d’être radins dans leurs dépenses, notamment avec les prostitués et se félicitent de l’accueil que leur réserve les Marocaines. «Pas comme nos femmes», commente un des personnages, «nos femmes, elles sont comme cette viande», ajoute-t-il en montrant le plat sur le table, «mortes!», provoquant un formidable éclat de rire collectif.
La place de la femme dans les sociétés arabes
Pour les besoins de son film, Nabil Ayouch a en effet interrogé plus de deux cents jeunes femmes ayant frayé avec le milieu, ou encore en activité. Il en a rapporté un film d’un réalisme qui, comme souvent chez lui, confine au documentaire. Même s’il a peu de chance de sortir en salle au Maroc, Zin li fik, de son titre arabe traduisible par «la beauté qui est en toi», cherche surtout à éveiller les consciences sur la place réservée à la femme dans les sociétés arabes musulmanes.
Traité sur le Web de «sioniste», de «fils de pute» ou de «fils de pédé», le cinéaste a été visé par une fatwa du cheikh salafiste Hammad al Kabbaj qui réclame son jugement «pour atteinte aux mœurs et à l’intégrité morale des Marocains». Une page Facebook a même été créée, appelant purement et simplement à «la mise à mort de Nabil Ayouch et son actrice Loubna Abidar».
Une réalité pire que le film
Comme nul n’est prophète en son pays, c’est une Marocaine de l’exil, entre autres, qui lui a apporté son soutien. Khadija Arib, femme politique néerlandaise d’origine marocaine, a écrit sur son compte Twitter «le film de Nabil Ayouch sur la prostitution fait scandale au Maroc. Malheureusement la réalité est pire que le film. Bravo Nabil !»
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