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Maroc : le récit de l'arrestation musclée de deux journalistes français

Ils réalisaient un documentaire pour France 3 lorsqu'ils ont été interpellés et expulsés. Ils sont arrivés en France lundi en milieu de journée.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les journalistes Jean-Louis Perez (G) et Pierre Chautard (D). (PREMIERES LIGNES / FRANCETV INFO)

Sitôt arrêtés, sitôt expulsés. Deux journalistes français ont été interpellés, dimanche 15 février, à Rabat, au Maroc, et renvoyés en France dans la foulée, faute d'autorisation de tournage en bonne et due forme. Jean-Louis Perez et Pierre Chautard, de l'agence Premières lignes, ont atterri en France lundi, autour de midi, selon leur rédacteur en chef, Benoît Bringer.

Leurs chambres d'hôtel ont été "fouillées, retournées"

Les deux journalistes, qui réalisaient un documentaire pour France 3, se trouvaient dans les locaux de l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH) pour une interview, lorsque les forces de l'ordre sont venues les chercher. "Ils savaient qu'ils étaient suivis depuis samedi", nous raconte Benoît Bringer. Leurs chambres d'hôtel ont aussi été "fouillées, retournées même", selon le rédacteur en chef de l'agence.

Les policiers qui se sont présentés à l'AMDH ont expliqué que "les journalistes n'avaient pas d'autorisation légale pour tourner au Maroc", selon le président de l'association, Ahmed El-Haij. Venus une première fois dimanche matin pour arrêter les deux Français, les membres des forces de l'ordre sont restés à la porte de l'immeuble, parce qu'ils n'ont présenté "aucune pièce ou mandat d'arrêt", ajoute-t-il. En revenant en fin de journée, "ils avaient visiblement prévu de faire sauter la porte pour entrer, mais une membre de l'association s'est interposée", poursuit Benoît Bringer.

Un récit confirmé par l'AMDH, qui dénonce "l'intrusion dans son local central" de "plus de 40 personnes en civil munies d’instruments en fer pour défoncer les serrures". Une membre de l'association a été blessée durant l'intervention, lorsque les forces de l'ordre lui ont "arraché, par force, les clés du local et de son logement" et l'ont "agressée par des coups, des insultes". La victime a été transportée à l'hôpital.

"Aucune accréditation délivrée aux journalistes français"

"Les demandes d'autorisations ont été faites il y a environ trois semaines, auprès des ministères de la Communication, de la Culture et de l'Intérieur marocains", nous précise Benoît Bringer. La réponse est arrivée sans ambiguïté : "Aucune accréditation délivrée aux journalistes français à cause des tensions diplomatiques", raconte-t-il encore. "Mais si on attend les autorisations de tournage dans des pays où il n'y a pas de liberté de la presse, on ne travaille pas", justifie Benoît Bringer.

Les relations franco-marocaines se sont refroidies il y a près d'un an, quand une juge d'instruction française a demandé à entendre le patron du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi, visé par plusieurs plaintes pour torture. Le Maroc a alors exigé la remise à plat de sa coopération judiciaire avec la France et obtenu gain de cause le 31 janvier, avec la signature d'un nouvel accord. A la veille de l'arrestation des journalistes, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a, en outre, annoncé qu'Abdellatif Hammouchi serait fait officier de la Légion d'honneur.

Le Quai d'Orsay refuse d'intervenir

Cette phase de normalisation des relations diplomatiques ne joue pas en faveur des journalistes, dont tout le matériel a été saisi : caméras, téléphones, cartes-mémoire… "Je ne sais même pas s'ils ont récupéré leurs passeports", confiait Benoît Bringer, avant de retrouver ses deux collègues de retour en France.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères français, Romain Nadal, "nous a bien fait comprendre que le ministère n'interviendrait même pas pour essayer de récupérer le matériel", déplore Benoît Bringer. "Les choses sont en train d'être rétablies, nous sommes tournés vers l'avenir", lui aurait simplement déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay.

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