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Quand six photographes maliens racontent l'histoire de leurs aînés partis étudier en URSS

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 1 min

Jusqu'au 4 mai 2019, la Fondation Blachère présente les clichés extraits des travaux d'un atelier collaboratif intitulé "Sur les traces des étudiants maliens envoyés à l’Est". Ce travail a débuté aux Rencontres de la photographie de Bamako en 2017, sous la direction de Françoise Huguier, commissaire de cette exposition.

Dans les années 60, l'Afrique est en pleine décolonisation. Un partenariat militaire, économique, politique et culturel se noue entre l’URSS et les pays du continent, dont le Mali présidé par le socialiste Modibo Keita. Son gouvernement envoie alors des milliers d’étudiants se former sur les bancs des universités soviétiques.

Les photographes Seydou Camara, Fotolala King Massassy, John Kalapo, Seyba Keita, Kany Sissoko et Fatoumata Traore sont partis sur les traces de ces pionniers devenus par la suite ingénieurs, médecins, avocats ou artistes. Aujourd'hui à la retraite, ils ont ouverts leurs archives, offrant un témoignage visuel de ce passé "énigmatique pour une large partie de la population occidentale".

Voici quelques extraits issus du catalogue de la Fondation Blachère.

Seydou Camara : "C’est d’abord à travers ses films que j’ai connu Souleymane. (…) Je l’ai ensuite rencontré lors de l’exposition Bamako in Paris au Pavillon du Carré de Baudouin et nous avons noué des liens d’amitié. Pour le workshop, j’ai immédiatement pensé à lui, ancien étudiant en cinéma au VGIK (Institut national de la cinématographie S.A. Guerassimov) de Moscou pendant l’époque soviétique. (…) Sur une des photos, on voit Souleymane serrant la main de Thomas Sankara, sur une autre, celle de Mandela. La photo et la statue de Lénine trônent dans son bureau. Il fait partie de la première génération partie étudier à l’Est en 1961, juste après l’indépendance. Il reste 9 ans à Moscou." (SEYDOU CAMARA, 2017)
Fotolala King Massassy : "Oumar Diallo est né le 3 juin 1948 à Nioro. De 1969 à 1972, il étudie à l’EMIA (Ecole militaire Inter Armes de Katibougou, région de Koulikoro) et sort major de promotion. Il est marié et père de cinq enfants. Son séjour en URSS dure cinq ans. Il en garde beaucoup de souvenirs, certains secrets aussi… Il part en 1978 étudier l’aviation militaire dans le cadre d’un programme d’échange russo-malien. Il reste marqué par le décès de certains de ses amis africains survenu en Russie, dont le corps a été bloqué en terre étrangère, sans jamais pouvoir être rapatrié dans leur pays d'origine."  (FOTOLALA KING MASSASSY, 2017)
John Kalapo : "Amadou Kalapo, de l’ethnie Bozo, est né vers 1939 à Diafarabé, cercle de Tenenkou. Encore très jeune à la mort de ses parents, il part à Bamako avec ses frères et sœurs. (...) Il intègre, en 1963, l’école aéronautique de Kiev pour une formation d’aviation et plusieurs stages : navigation, radio, mécanique… (...) Bako rentre à Bamako en 1964 et est embauché à Air Mali, la compagnie nationale d’aviation fondée à l’indépendance. Bako décède à Bamako le 22 décembre 2015." (JOHN KALAPO, 2017)
Seyba Keita : "Je souhaitais photographier quelqu’un qui a œuvré pour le pays sans chercher la gloire et, grâce à plusieurs intermédiaires, j’ai réussi à entrer en contact avec Bédié Diarra. Bédié Diarra, né vers 1948 à Baguineda, région de Koulikoro, part en URSS de 1967 à 1969 avec la dernière promotion qui a étudié à l’Est au temps du président Modibo Keita, le premier chef d’Etat du Mali indépendant. Il sort major de sa promotion d’études politiques. Au programme : sociologie, idéologie, philosophie et économie politique." (SEYBA KEITA, 2017)
Kani Sissoko : "Excellent élève, Oumar Kamara obtient une bourse en 1979 pour aller étudier l’Histoire à la faculté de Saint-Pétersbourg, où il se spécialise en archéologie et art préhistorique. Parallèlement, il s’inscrit à l’académie des Beaux-Arts car son désir est d’être artiste, invente les portraits minute de rue qu’il réalise sur l’avenue Nevsky aux abords de l’Ermitage et expose un peu partout en Union soviétique. Pendant son séjour, il rencontre une femme russe avec qui il a une fille. A son retour à Bamako en 1992, il enseigne l’art bénévolement à l’université, vit de la vente de ses œuvres, devient finalement professeur titulaire. (…) J’ai voulu retranscrire avec mon écriture photographique la singularité artistique de Kamara, et la ténacité avec laquelle il s’est battu pour son rêve : étudier l’art et devenir artiste. Sans jamais oublier que l’art fait partie de la vie, s’inscrit dans le monde et se partage." (KANI SISSOKO, 2017)
Fatoumata Traore : "Né en 1955 à Ségou, Mamadou Habib Ballo est le premier enfant d’une famille de sept enfants. Passionné de dessin depuis son plus jeune âge, il étudie à Mopti et à Bamako, puis suit le cursus Arts plastiques de l'Ina (Institut national des arts à Bamako). A sa sortie en 1981, il obtient une bourse d’études pour l’Union soviétique. Après une année d'apprentissage de la langue russe à Tachkent (Ouzbékistan), il intègre l'Institut des Beaux-Arts Sourikov de Moscou, d’où il sort diplômé après 7 ans d'études d'un master en Arts graphiques, spécialité illustration de livres d’enfants. Il rentre alors à Bamako et devient professeur de dessin et peinture à l'Ina, où il pilote ensuite la section Arts plastiques. (…) J'ai cherché à travers mes images à montrer sa propre lumière, d'autant plus claire qu'il la diffuse autour de lui." (FATOUMATA TRAORE, 2017)

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