Mali : "Les heures qui viennent sont cruciales"
L'armée française accuse des pertes alors qu'elle intervient contre les rebelles au Mali et qu'un raid a mal tourné en Somalie. Le spécialiste Pierre Servent analyse la situation.
Deux théâtres d'affrontement et un bilan lourd. Au lendemain du lancement de l'opération Serval qui implique les forces militaires françaises au Mali, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé des pertes, samedi 12 février. Au Mali, un pilote d'hélicoptère est mort. En Somalie, où l'armée française a tenté une opération "déconnectée" pour libérer un otage français, Denis Allex, un soldat a perdu la vie, tandis qu'un autre est porté disparu. L'otage pourrait avoir été abattu, bien que les terroristes s'en défendent. Ces derniers assurent par ailleurs détenir le militaire disparu.
Pour mieux comprendre cette situation, francetv info a contacté Pierre Servent. Ancien journaliste à La Croix et au Monde, consultant en communication au cabinet du ministre de la Défense Charles Millon (1995-97) et auteur de plusieurs livres sur le domaine militaire, il est l'un des meilleurs connaisseurs français du sujet.
Francetv info : Pourquoi avoir déclenché une seconde opération, cette fois en Somalie?
Pierre Servent : D'abord, je dois vous préciser que ce qui se passe au Mali et en Somalie n'est absolument pas lié. Au Mali, c'est l'initiative de la percée lancée par les jihadistes qui a enclenché l'intervention française. Pour la Somalie, je ferais deux hypothèses : ou des informations sont parvenues laissant planer une forte menace sur la vie de l'otage, ou des renseignements ont indiqué qu'il y avait bien une fenêtre d'intervention possible parce qu'on le changeait de lieu de détention ou parce que des complicités aideraient l'opération française. De toute façon, les autorités savaient que l'agent de la DGSE se dégradait physiquement de plus en plus au fil des vidéos qui nous parvenaient. Il n'y avait aucune négociation le concernant. Pour les preneurs d'otage, il était considéré comme un trophée.
Au Mali, comment expliquez-vous la perte d'un hélicoptère français?
Les hélicoptères constituent une arme très efficace. Mais, ils sont très vulnérables, surtout à l'égard de ce que l'on appelle "la ferraille du champ de bataille". Je parle de la possibilité pour ceux qui sont au sol de mettre en batterie une dizaine de kalachnikovs et d'atteindre le rotor de l'appareil ou même le pilote. Cela montre aussi à quel point les jihadistes sont déterminés. Le nombre ne fait rien à l'affaire. Il s'agirait de 700 à 1000 individus. Mais ce sont des moines soldats. La mort ne leur fait pas peur, ils sont prêts à tout.
Que peut il se passer à présent?
Les heures qui viennent sont cruciales. Trois frappes ont été lancées depuis vendredi soir par les forces spéciales et des avions de combat. La France ne peut plus reculer. Il n'y a pas de demi-mesure possible, c'est ce que je pense. Car si les terroristes détiennent à nouveau un de nos hommes, nous repartirions à zéro pour un même scénario, et cela n'est pas possible. Je crois pour ma part qu'il fallait intervenir, que c'est courageux. Mais il est vrai que c'est périlleux, on le voit bien. Le risque zéro n'existe pas. Et la France risque de se retrouver un peu seule avec des Africains pas vraiment là pour l'heure et des Européens pas vraiment enthousiasmés
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