Les ratés de l’organisation du scrutin présidentiel au Mali
La France, qui a mené l’opération Serval au Mali, le 11 janvier 2013, pour déloger les islamistes du nord du pays, a montré son empressement à passer le relais à l'ONU. Paris veut éviter l’enlisement et retirer ses troupes du pays.
Par la voix de son chef de la Diplomatie, Laurent Fabius, Paris a poussé le gouvernement de transition à mettre sur pied une élection présidentielle au Mali avant fin juillet (le second tour est prévu en principe le 11 août). Même volonté à Bruxelles, qui a appelé les 6,8 millions d’électeurs maliens inscrits sur les listes électorales à «participer activement» au scrutin.
De nombreux obstacles
C’était sans compter les difficultés d’organisation d’un scrutin démocratique dans un pays coupé en deux et totalement déstabilisé par la guerre. C’était sans compter la probabilité d'attentats-suicides de djihadistes liés à al-Qaïda, la distribution incomplète des cartes d'électeurs, le comportement incertain des votants dont 500.000 réfugiés et déplacés.
Pour ces derniers, les modalités de vote restent floues, surtout dans les camps au Mali, ainsi qu'au Niger, au Burkina Faso et en Mauritanie.
A tel point qu’un candidat à la présidentielle, Tiébilé Dramé, a retiré sa candidature mi-juillet pour protester contre les dysfonctionnements liés à la préparation du scrutin et dénoncer une ingérence française dans les affaires du pays.
Le Nord très en retard
Au nord-est du pays, dans la région de Kidal, où se concentrent les rebelles touaregs et où l'armée et l'administration centrale ne sont revenues que début juillet, les difficultés s’accumulent.
Les cartes électorales ne sont toujours pas distribuées dans certaines zones (même si 60% des documents avaient été distribués le 18 juillet), où l'insécurité règne encore. Les derniers affrontements en date, les 18 et 19 juillet, ont opposé touaregs du MNLA et habitants d’autres communautés.
A Tessalit, à 250 km au nord de Kidal, à la frontière algérienne, les enlèvements d’un élu et de cinq agents électoraux ont été imputés au même MNLA, laissant craindre un vote dans de mauvaises conditions, même s’il y a peu d’électeurs (5.200 cartes à distribuer).
A Gao, à 1200 km au nord-est de Bamako, où 40.000 personnes sont appelées aux urnes, la campagne patine. Si les islamistes en ont été chassés, le ramadan, qui limite les activités de la campagne électorale, y fait force de loi.
D’autres obstacles au bon déroulement du scrutin
Le scrutin a lieu en pleine saison dite d'hivernage. Cette période est caractérisée au sud du Mali par des pluies violentes et au nord par des vents forts et des tempêtes de sable. Toutes ces manifestations climatiques gênent considérablement, voire empêchent, les déplacements.
Ces phénomènes, couplés à la période de recueillement du ramadan dans ce pays à majorité musulmane, pourraient accroître l'abstention, déjà importante en temps de paix.
Plusieurs dizaines de milliers de Maliens privés de scrutin en France
Alors que 200.000 Maliens vivent officiellement en France métropolitaine, surtout à Montreuil, et représentent la première communauté malienne hors d'Afrique, 81.000 électeurs n’apparaissent pas sur les listes. En cause, des erreurs au niveau du recensement. S’en est suivi une désorganisation pour distribuer les 15.000 cartes sur les 29.000 seulement imprimées.
Un consensus sur des élections imparfaites
La France, l'ONU et le régime de transition au pouvoir à Bamako n’en insistent pas moins sur la nécessité d'un vote sur tout le territoire pour donner une crédibilité au nouveau président élu.
«Tout le monde rivalise pour dire que ces élections seront imparfaites, au moins, il y a un consensus là-dessus !», lance Gilles Yabi de International Crisis Group avant d’ajouter: «Plus sérieusement, on peut s'interroger sur un scrutin à marche forcée quand on entend mettre en avant le principe de régénérescence de la démocratie.»
Ainsi, selon l’organisation, le risque est que ce scrutin soit «chaotique», ses résultats «contestés» et que le nouveau président élu n'ait pas «la légitimité nécessaire au rétablissement» et à la réconciliation d'un pays profondément divisé.
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