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Scandale de corruption au Malawi : Joyce Banda fait le ménage

Le 10 octobre 2013, la présidente du Malawi, Joyce Banda, a limogé son gouvernement. Elle voulait ainsi rétablir la confiance des bailleurs de fonds, comme l’UE, après la révélation d'une affaire de soupçons de corruption et de détournement de fonds publics impliquant des fonctionnaires de ce petit Etat d’Afrique australe.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Joyce Banda, la présidente du Malawi, prend la parole lors de la conférence des Journées européennes du développement à Bruxelles, le 17 octobre 2012. (JOCK FISTICK / BABYLONIA / BELGA MAG / BELGA/AFP)

Joyce Banda a agi 24h après un rappel à l’ordre de l'Union européenne qui menaçait de ne pas payer les 29 millions d’euros promis pour soutenir le budget si la situation perdurait. Et aussi sous la pression de la société civile. Des Malawites ont défilé dans la capitale Lilongwe après la révélation début octobre de ce Cashgate, brandissant des slogans comme «Joyce Banda n’a pas réussi à gouverner le pays» ou «Les hauts fonctionnaires du gouvernement devraient démissionner pour ouvrir la voie à des enquêtes»
 
Le Malawi dépend de l'aide étrangère pour financer 40% de son budget, mais le tiers s’envolerait dans des fraudes de tous ordres. Les malversations coûtent cher. Et font aussi des victimes. A peine nommé au Budget en juillet, Paul Mphwiyo a été blessé, le 13 septembre, dans une tentative d'assassinat. Son seul tort avait été de vouloir réprimer les marchés publics frauduleux, comme l’indique dans le Global Observatory Kim Yi Dionne, professeur au Smith College (Massachusetts, USA). 

Lilongwe, le 10 octobre 2013. Des manifestants souhaitent un prompt rétablissement au directeur du Budget Paul Mphwiyo, hospitalisé en Afrique du Sud après une tentative d'assassinat. L'Association des consommateurs du Malawi ont appelé à ce défilé contre la corruption. (AFP PHOTO / AMOS GUMULIRA)
 
En voulant remettre de l’ordre au cœur même de l’Etat, Joyce Banda a voulu marquer sa différence. Quitte à perdre du crédit au sein de son propre parti (le Parti populaire qu’elle a fondé), à moins d’un an des élections générales, prévues en mai 2014.

La présidente malawite compte également renforcer la conviction des bailleurs occidentaux, dont le FMI et la Banque mondiale, qu’il faut compter avec elle. Mme Banda avait remporté leurs suffrages en menant en 2012 un train de mesures d’austérité, comme la dévaluation de 49% de la monnaie (le kwacha) ou la suppression des subventions au carburant.
 
Ces mesures avaient généré une grogne sociale et avaient fait perdre à la présidente la confiance d’une partie de la population, qui lui reprochait d’être aux ordres du FMI. Aujourd’hui, elle entend bien reconquérir sa popularité perdue en répondant aux attentes du peuple qui souffre de la faim (en 2013, quelque 10% des Malawites ont pâti de pénurie alimentaire) et subit la corruption.
 
Dans ce contexte, Joyce Banda doit agir vite pour faire entrer les aides de l’UE dans les caisses de l’Etat. Selon Kim Yi Dionne, si le paiement de l’UE n’arrive pas avant la fin de l’année, elle «n’a aucune chance de gagner les élections de mai 2014». En effet, c’est, dit-il, le début de «la saison de la faim au Malawi».

 
Femme à poigne et féministe convaincue
Joyce Banda a succédé en avril 2012 à Bingu wa Mutharika, mort brutalement en laissant une économie et un Etat défaillants.
 
Depuis sa prise de fonction, elle a réussi non seulement à tisser des liens avec les institutions financières internationales, mais aussi à amener le pays sur le chemin de la démocratie et des droits de l’Homme. En témoignent les avancées en matière de décriminalisation de l'homosexualité et les progrès de la politique de santé, notamment avec la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
 
Joyce Banda s'était fait connaître à la fin de la dictature de Hastings Kamuzu Banda – un homonyme – au début des années 90. A l’époque, cette féministe convaincue, mère de trois enfants, née en 1950, avait lancé un programme pour l'émancipation des femmes du Malawi, son cheval de bataille. En créant la Fondation Joyce Banda, elle voulait promouvoir l'égalité entre les sexes et l'émancipation des femmes par l'éducation des filles.
 
Depuis 1999, elle a su se frayer un chemin dans les méandres du pouvoir en s’affirmant dans le gouvernement de son prédécesseur Bingu wa Mutharika, comme ministre des Affaires étrangères, en 2004, puis comme vice-présidente en 2009, avant de rejoindre l’opposition.
 
Son credo: éduquer les filles
Aujourd’hui, elle reste une référence pour de nombreuses femmes au Malawi. Dans une récente interview, la présidente expliquait son message : «Nous devons faire des efforts et mener des politiques qui viseront à éliminer les obstacles structurels posés par la pauvreté et l'inégalité entre les sexes dans l'autonomisation économique des femmes parce que ces efforts apporteront des améliorations durables à leur bien-être.»
 
Elle ne manquera pas de s’appuyer sur ce combat pour gagner également des voix aux élections de 2014.
 
Le 15 octobre, Joyce Banda a nommé aux Finances un ancien de la Banque mondiale et reformé un nouveau cabinet après avoir remercié définitivement quatre ministres. Un vaste chantier l’attend. Son avenir politique en dépend !

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