L’austérité rattrape aussi le Malawi
Souvent saluée par la communauté internationale pour avoir entrepris des réformes courageuses, Joyce Banda a vu sa popularité s’effondrer au sein de la population. En cause, ses mesures économiques, synonymes d’austérité pour le plus grand nombre dans ce pays où la moitié des Malawites vit avec moins d’un dollar par jour.
Le but est de faire revenir les investisseurs étrangers, qui ont fui le Malawi en raison des dérives autocratiques du chef de l’Etat précédent, Bingu wa Mutharika, mort d'une crise cardiaque en avril 2012. Ces investisseurs apportaient 40% du budget du pays.
Si le pays souffrait alors de graves pénuries de devises et de carburant, Mutharika avait refusé de dévaluer la monnaie nationale, estimant qu'une telle mesure serait trop inflationniste et qu'elle ne stimulerait pas les exportations. Il avait par ailleurs privilégié la seule relation internationale qui comptait à ses yeux, celle avec la Chine.
Joyce Banda a reçu Christine Lagarde en janvier 2013
Devenue la première femme présidente du Malawi en avril 2012, Joyce Banda veut remettre de l'ordre dans l'économie de son pays – qu'elle même a décrit comme «un foutoir» – et combattre la pauvreté.
Elle a réussi à restaurer la confiance du Fonds monétaire international qui a accordé à Lilongwe, après des années d'absence, un prêt massif de 157 millions de dollars sur trois ans en contrepartie de réformes.
Ainsi, Joyce Banda a dévalué le kwacha, qui a perdu plus de 50% de sa valeur en un an, et éliminé les grandes subventions sur le carburant, notamment.
Mais l’économie du pays n’a pas bien réagi au programme défini par le FMI. Si la dévaluation a fait disparaître les pénuries, le rythme de la hausse des prix a atteint 37%. Le prix de l’essence a ainsi flambé passant de 539 kwachas en novembre 2012 à 704 en février.
Selon le Guardian, le site d’informations financières Bloomberg rapporte que la monnaie est devenue la moins performante d’Afrique.
Le Centre de recherche sociale, institution malawite, a évalué pour sa part à environ 20% la hausse du coût de la vie pour une famille urbaine à faible revenu en 2012. Quant à la moitié des ménages ruraux, ils ont épuisé leurs stocks de maïs quatre à six mois avant la prochaine récolte.
Ces hausses des prix ont fait descendre les Malawites dans la rue en janvier et en février 2013. Les fonctionnaires se sont mis en grève, réclamant des augmentations de salaire de 67%. La grève a cessé quand le gouvernement a lâché 61% de hausse pour les catégories de fonctionnaires les moins bien payés.
Le FMI prône le maintien des réformes
Selon Thandika Mkandawire, professeur à la London School of Economics, dont les propos sont rapportés par le Guardian, «le FMI est en mode panique» et «les conséquences sociales de la politique menée sont désastreuses». Et de conclure : «Le FMI estime qu’il s’agit d’une mauvaise application de ses mesures, qu’elles qu’en soient les conséquences.»
La présidente du FMI, Christine Lagarde, reconnaît que les choses ne sont pas passées comme prévu, mais en janvier, elle a dit à Joyce Banda de persévérer dans l'agenda du FMI et de «maintenir le cap» des réformes.
Pour Billy Mayaya, un défenseur des droits de l'Homme, Joyce Banda «accepte toutes les prescriptions» du FMI, quitte à sacrifier des dépenses publiques indispensables, alors que «son gouvernement vit toujours au-dessus de ses moyens, avec des voyages locaux et internationaux fréquents». Selon lui, les «Malawites y voient une contradiction (...) C'est pourquoi elle est impopulaire».
Joyce Banda fait un état des lieux du Malawi
Le politologue Humphrey Mvula estime, lui, qu'on ne doit pas la juger «sans regarder d'où vient le Malawi». Il dénonce «la mauvaise gouvernance» de l'administration précédente qui «se jouait des règles du jeu économique». Il estime que Joyce Banda n'a pas d'autre choix que d'assumer la dévaluation et de poursuivre son plan de relance.
Au Malawi, cette défenseure de l’égalité hommes-femmes doit faire face à un cocktail de misogynie et de moquerie de la part de ses détracteurs qui la surnomme «maï wa mandasi» (la femme qui vend des beignets).
Une chose qu’ils ne peuvent pas lui reprocher cependant, c’est la manière dont elle a réussi à sortir son pays de l’ostracisme, devenant un personnage incontournable au niveau international.
En ligne de mire, les élections
Aujourd’hui, la présidente appelle ses concitoyens à la patience, affirmant que ses réformes économiques vont finir par « payer, après la souffrance».
Bien qu’elle les compare à « un furoncle : ça fait mal au début, mais après, c'est soigné!», Joyce Banda risque son poste aux prochaines élections prévues en 2014. Elle aura alors comme principal adversaire Peter Mutharika, frère de son prédécesseur, qui voulait en faire son successeur avant sa mort.
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