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Libye: un commandant des forces du maréchal Haftar accusé de crimes de guerre

Quelques heures après le double attentat qui a fait une quarantaine de morts à Benghazi, un commandant de la force du maréchal Haftar a procédé en personne à l’exécution publique d’une dizaine de djihadistes en représailles. Craignant de voir la Libye replonger dans le chaos, la mission de l’ONU a aussitôt demandé une remise «immédiate» de l’homme en question à la CPI pour «crimes de guerre».
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min

En pleine tentative de l’ONU de mettre sur les rails un processus électoral en Libye, le double attentat qui a fait le 23 janvier 2018 une quarantaine de morts et 90 blessés à la sortie d’une mosquée, dans le quartier al-Sleimani à Benghazi, a remis la Libye au bord du chaos.

Le commandant Mahmoud al-Werfalli décide de rendre justice lui-même 
Bien que non revendiqué, le carnage a entraîné des représailles quasi-immédiates de la part d’un commandant des forces du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est du pays.
 
Déplorant la perte de plusieurs cadres de ces forces dans ces attentats, dont Ahmad al-Fitouri, responsable des services de sécurité, le commandant Mahmoud al-Werfalli aurait décidé de rendre justice lui-même.
 
Selon des témoins et une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, l’officier a exécuté dès le lendemain, en public et sur le lieu-même des attentats, une dizaine de djihadistes présumés détenus, en guise de vengeance.
 
Sur le document vidéo on voit un homme armé en tenue camouflée, identifié comme étant al-Werfalli, exécutant l’un après l’autre de deux balles dans la tête des hommes en habits bleus de prisonniers, les yeux bandés et agenouillés sur sol, avant de finir par les arroser tous d’une rafale de son fusil mitrailleur.
 
L’homme n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il fait déjà l’objet d’un mandat d’arrêt émis en août 2017 par la Cour pénale internationale (CPI) pour «crimes de guerre» dans au moins sept incidents similaires en 2016 et 2017.

​Un double camouflet au Maréchal Haftar et à l'ONU
Les forces loyales au maréchal Haftar avaient indiqué, alors, que le commandant était en état d’arrestation et qu’il serait être jugé par un tribunal militaire en Libye, écartant sa remise à la CPI. Mais les événements des deux derniers jours prouvent qu’il n’en était rien.
  
Les exécutions sommaires ont même eu lieu au moment où le chef de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul), Ghassan Salamé, se trouvait auprès de Khalifa Haftar pour condamner le double attentat de Benghazi, présenter ses condoléances et insister sur la poursuite du processus de normalisation dans le pays.

Le camouflet infligé à l’homme qui avait annoncé à l’été 2017 avoir débarrassé la deuxième ville du pays des djihadistes, était donc adressé tout autant à l'ONU, qui n’a pu que réagir. «La Manul est alarmée par les informations faisant état d’exécutions sommaires brutales», a indiqué cette dernière sur son compte Twitter. En conséquence, «l’ONU exige la remise immédiate de Mahmoud al-Werfalli à la CPI», a-t-elle ajouté.

Recep Tayyib Erdogan pointé du doigt pour son soutien aux islamistes 
Concernant le double attentat de Benghazi demeuré sans revendication, le journaliste libyen, Ali Wahida, spécialiste des relations entre l’Union européenne et le monde arabe, fait état sur Twitter d’une accusation «franche et directe». Celle d'un général italien, Carlo Jean, expert en questions stratégiques et géopolitiques à l’université de Rome. Pour de dernier, la piste d’une responsabilité de la Turquie, formulée à demi-mots par le Caire, est «crédible».
 
«La Turquie a toujours soutenu les Frères musulmans et les islamistes, surtout en Tripolitaine mais aussi en Cyrénaïque», estime-t-il dans un entretien avec le site ilsussidiario.net. «On sait, ajoute-t-il, qu’Erdogan a armé ces milices lors de la bataille de Misrata».
 
L’expert italien corrobore ainsi les allusions du porte-parole du ministère égyptien des affaires étrangères après l’attentat. «L’Egypte condamne tous les actes qui visent la sécurité et la stabilité de l’Etat libyen et entravent la reconstruction de son institution», a déclaré Ahmed Abou Zeid.
 
Pour lui, la recrudescence des activités terroristes en Libye est «le résultat direct du trafic d’armes, contre lequel la communauté internationale ne lutte pas efficacement», a-t-il insisté.
 
Plus tôt, à la mi-janvier, Le Caire, qui entretient en ce moment des relations tendues avec Ankara, avait exprimé sa profonde inquiétude à la suite de l'envoi par la Turquie d'explosifs vers la Libye dans un navire intercepté par les autorités grecques.

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