Libye : la guerre peut-elle être un rempart contre le coronavirus ?
De nombreux Libyens pensent que le conflit qui déchire leur pays empêche la propagation du virus en limitant les liens avec l'extérieur.
A écouter de nombreux habitants en Libye, la fermeture de l'aéroport de Mitiga à Tripoli et les liens limités avec l'étranger à cause de la guerre les protègent du Covid-19. "Depuis la destruction de l'aéroport international de Tripoli en 2014 lors de combats entre milices, l'aéroport de Mitiga, situé à l'est de la capitale, (était) le seul assurant encore des liaisons nationales et internationales depuis Tripoli", rapporte Reuters. Aucun cas de la maladie n'a été rapporté à ce jour, alors que l'épidémie a touché les pays voisins.
"Nous sommes à l'abri des virus en Libye, un pays dont la capitale est assiégée et dont les issues terrestres et aéroportuaires sont fermées", affirme à l'AFP un universitaire originaire de la capitale Tripoli, Moayed al-Missaoui. Selon lui, les Libyens n'ont "rien à craindre", contrairement aux pays ayant des contacts permanents avec le reste du monde.
Aujourd'hui, aucun avion civil ne se pose plus dans la capitale. Pour se rendre d'Europe à Tripoli, il faut partir de Tunis ou d'Istanbul, puis prendre un vol pour Misrata et enchaîner sur un trajet de 200 km en voiture jusqu'à Tripoli, si les conditions de sécurité le permettent. Une autre option est une journée en voiture de Tunis jusqu'au poste-frontière Ras Jédir, avant d'enchaîner sur un trajet ardu de 150 km jusqu'à la capitale. Un périple durant lequel le coronavirus n'est pas la principale source d'insécurité... Fin 2019, un journaliste de l'AFP avait mis plus d'une semaine avant de pouvoir rejoindre Tripoli depuis une capitale européenne.
"Aucun cas" en Libye, mais trois pays voisins ne sont pas épargnés...
"Grâce à Dieu, nous n'avons enregistré aucun cas" de coronavirus, a affirmé à l'AFP Badreddine al-Najjar, président du Centre national de lutte contre les maladies (CNLM). Ce qui n'écarte pas l'existence de cas isolés non contrôlés dans un pays totalement désorganisé depuis des années.
Le CNLM, une entité gouvernementale basée à Tripoli, prévoit toutefois des mesures préventives face à d'éventuelles contaminations provenant notamment des pays mitoyens ayant enregistré des cas de Covid-19. "Le virus entoure la Libye de tous les côtés. (...) Il est nécessaire de surveiller ce danger transfrontalier", même si les déplacements vers et depuis la Libye sont limités, ajoute Badreddine al-Najjar.
Une surveillance d'autant plus nécessaire que Tunisie, Algérie et Egypte, trois pays frontaliers de la Libye, ont annoncé cette semaine des cas de Covid-19, "mais on ne peut pas encore parler d'épidémie", souligne-t-il. Alors que l'Organisation mondiale de la Santé parle désormais de "pandémie"...
Au 12 mars, l'Egypte avait ainsi rapporté 80 cas de coronavirus, dont 45 sur un seul bateau de croisière. Deux personnes sont décédées.
En Algérie, sept nouveaux cas de Covid-19, dont deux personnes ayant séjourné en France, ont été recensés le 12 mars 2020, ce qui porte à 26 le nombre de cas confirmés sur le territoire algérien, selon les autorités. Deux malades sont décédés. Les pouvoirs publics se préparent à une propagation du virus : "Dès la semaine prochaine, les cellules de quarantaine et d'isolement seront prêtes", assure le ministère de la Santé. En Tunisie, six personnes, la plupart en provenance d'Italie, avaient été diagnostiquées malades au 12 mars. Un septième cas a pris l'avion pour retourner en France en dépit des consignes des autorités. "Le ministère de la Santé a tiré la sonnette d’alarme quant aux dangers de transgresser les indications de confinement", explique Le Monde.
Les deux autres pays frontaliers de la Libye, le Niger et le Tchad, n'avaient rapporté aucun cas au 9 mars.
Un "système de santé dans une situation critique"
Si, à l'avenir, la Libye était touchée par la pandémie, nul ne sait comment la situation évoluerait. D'autant que le "système hospitalier (est) durement touché par le conflit et par la crise politique qui sévissent dans le pays (...) et ont poussé des centaines de personnels de santé étrangers à fuir", rapportait en 2016 le site de MSF, citant le témoignage d'une femme médecin, qui s'était alors rendue sur place. "Les centaines de personnels de santé étrangers qui assuraient une très grande partie des soins et de l’entretien des hôpitaux sont partis, ce qui a mis le système de santé dans une situation critique. C’est difficile à imaginer quand on voit des infrastructures et des équipements de pointe, mais nous sommes face à un système de santé complètement déstabilisé", poursuivait cette gynécologue-obstétricienne.
Dans ce contexte, certains Libyens craignent de ne pas être à l'abri d'une contamination dont les effets seraient alors catastrophiques dans un pays ravagé par la guerre. Ils prennent donc leurs précautions, ce qui a déjà entraîné des ruptures de stocks dans les pharmacies et les supermarchés pour certains produits.
"Les importations de gel hydroalcoolique, de masques et de gants ont nettement augmenté", précise à l'AFP Mounir el-Hazel, directeur d'une société d'importation de matériel médical. "Commerçants, pharmaciens et particuliers, (...) se préparent à d'éventuelles pénuries", explique-t-il. Certains en profitent... Selon ce dirigeant d'entreprise, les prix de certains produits ont été multipliés par trois, voire six, par rapport au mois de décembre.
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