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L’eau fossile, l’or bleu du désert, n’est pas une panacée
On appelle cela une eau fossile. Fossile, pour signifier que, comme le pétrole, elle est enfouie sous terre à des centaines de mètres. Et, comme le pétrole, elle ne se renouvelle pas. Malgré tout, les réserves sont vastes, et depuis des années font espérer un avenir meilleur aux régions désertiques.
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C’est une construction emblématique. On l’appelle «grand tube» ou «le grand fleuve construit par l’homme». Un aqueduc de 5000 km reliant le grand Sud libyen à la région de Tripoli. Un projet inachevé porté par Kadhafi et estimé à 22 milliards d’euros.
L’aqueduc (au départ, quatre devaient être construits) amène l’eau du grand Sud, trouvée en profondeur lors de forages pétroliers. Elle est coincée sous terre depuis 39.000 ans et les réserves sont estimées à 120 millions de m3.
Les réserves du Sahara septentrional sont énormes. On parle de 31.000 milliards de m3 qui s’étendent sur une surface de 600.000 km², soit celle de la France. C’est l’un des plus grands systèmes aquifère au monde. Il s’étend sur trois pays: Algérie, Tunisie et Libye, en continu de l’Atlas saharien Nord jusqu’au Tassili du Hoggar au Sud.
Grace au carbone 14, l’âge de ces eaux a été daté. A Sfax en Tunisie, les eaux fossiles ont au moins 10.000 ans et atteignent parfois 32.000 ans.
En Jordanie aussi
En 2013, le roi Abdallah II de Jordanie a inauguré la station de pompage de l’aquifère de Disi. L’eau fossile fournira entre et 20 et 25% des besoins de la Jordanie, un des pays les plus arides du Moyen-Orient. Les travaux qui ont duré quatre ans ont coûté 1,1 milliard d’euros.
La station de pompage alimentera la capitale Amman à 300 km au Nord par un aqueduc capable de livrer 100 millions de m3 par an,
Pas la panacée
Mais cette ressource, tout comme le pétrole, a une durée de vie limitée. Dans une cinquantaine d’années, la ressource sera épuisée. D’autant que la Jordanie partage cette nappe avec l’Arabie Saoudite, qui a intensément pompé depuis 1970, n’hésitant pas à cultiver en plein désert.
Selon l’Institut de recherche pour le développement (IRD), depuis les années 60, les prélèvements n’ont cessé d’augmenter afin de satisfaire la demande. Les pompages sont passés de 0,5 km3 en 1960 à 2,75 km3 en 2010. Le risque, in fine, pourrait être un assèchement de cette nappe. Il y aurait cependant une recharge annuelle estimée à 40% des prélèvements qui peut repousser l’échéance.
L’eau extraite des nappes souterraines sous le Sahara jaillit parfois à des températures très élevées, allant jusqu’à 80°C. Celle-ci doit être refroidie via des systèmes de refroidissement avant d'être utilisée pour l'irrigation. De plus, avec des teneurs en sel pouvant atteindre 1 à 5 grammes par litre, cette eau est souvent trop salée pour être potable.
Quel coût ?
En 2003, l’eau fossile libyenne était considérée comme le procédé le moins coûteux. A l’époque, les responsables du programme dans un article de la Stampa repris par Courrier International, annonçaient un prix 21 fois moins cher que l’eau issue de la désalinisation, soit 5 centimes d’euro le m3.
Mais, dans la Libye de Kadhafi, le chiffre est à prendre avec des pincettes.
De fait, le coût de revient de la station jordanienne est bien plus élevé. 1,1 milliard d’euros pour un pompage annuel de 100 millions de m3 par an. Il faudrait donc attendre 200 ans pour avoir le coût de revient prétendu de la production Libyenne ! Et à cette date, la nappe sera sans doute tarie depuis belle-lurette !
Aussi, selon un expert de l’Office international de l’eau contacté par Géopolis, cette technique n’est pas une solution durable. Elle est trop coûteuse pour une réserve épuisable. Elle peut juste apporter une aide momentanée aux pays en stress hydrique sévère.
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