La Libye, une bombe à retardement qui inquiète l’Europe
C’est une sévère mise en garde que lance le ministre français de la défense, Jean-Yves Le Drian : «Il faut éviter que le trafic de migrants ne renforce Daesh par des ressources financières qui lui seraient allouées».
Jean-Yves Le Drian estime qu’environ 800.000 migrants attendent aujourd’hui de pouvoir passer en Europe depuis la Libye. Dans ce pays sans Etat, où les milices armées font la loi, le trafic de migrants est en pleine expansion. Et il rapporte gros.
L’argent des passeurs sert aussi au trafic d’armes dans l’ensemble de la zone sahélo-saharienne où se trouve le groupe djihadiste nigérian Boko Haram, lié à l’Etat islamique, explique le ministre français de la défense.
Depuis la révolution et la mort du colonel Kadhafi, des milliers de bateaux sont partis des côtes libyennes pour tenter de rejoindre l’Europe.
C’est pour stopper ce trafic que les Européens ont lancé, en juin 2015, l’opération Sophia à laquelle contribuent 22 pays de l’Union européenne. Sa mission : détruire systématiquement les embarcations utilisées par les trafiquants, une fois leurs occupants secourus.
Les limites de l’opération Sophia
Privés de leurs bateaux détruits par les moyens militaires déployés par l’Europe, les passeurs étaient censés abandonner leurs activités. Mais les départs pour l’Europe n’ont pas cessé pour autant. Les passeurs se sont rapidement procuré des pneumatiques flambants neufs et des bateaux en bois récemment construits. Une réserve de moyens nautiques qui semble inépuisable.
Selon le site Mer et Marine qui cite des sources haut placées, «les passeurs profitent du transport maritime international pour se faire livrer les moyens nécessaires au transport des migrants. Ils profitent de la fabrication en grande série et à bas coût de pneumatiques de qualité extrêmement médiocre par des fournisseurs asiatiques».
Il y a des livraisons directement en Libye, mais aussi, probablement via des pays voisins. Le problème, précise le site Mer et Marine, c’est que rien, dans le droit international, n’empêche le commerce d’embarcations vers une quelconque destination.
Des passeurs à l’abri sur les côtes libyennes
L’opération Sophia ne peut pour l’heure arraisonner, fouiller et saisir les bateaux de migrants que dans les eaux internationales, loin des bases de passeurs.
Les européens demandent donc la mise en place au plus vite d’un gouvernement d’union nationale en Libye qui puisse autoriser les bateaux de l’Union européenne à traquer les passeurs jusque sur les côtes libyennes.
«Ce gouvernement, une fois en place, devra dire comment il va agir et ce qu’il demande à la communauté internationale pour enrayer trois dangers majeurs en Libye : Daech, qui a aujourd’hui 4000 à 5.000 combattants sur place, les trafics de migrants et d’armes», précise le ministre français de la défense, Jean-Yves Le Drian.
Le chaos libyen profite aux groupes armés
Selon les analystes, les stocks importants d’armes et les frontières poreuses ont fait de la Libye, le principal carrefour de transit pour les djihadistes d’Afrique du Nord qui rejoignent la Syrie et l’Irak. Un casse-tête pour l’Europe visée par des attentats de plus en plus meurtriers comme celui qui a endeuillé la Belgique le 22 Mars 2016.
Pour contrer les djihadistes, la communauté internationale met tous ses espoirs dans le gouvernement d’union qui serait susceptible de demander une intervention militaire internationale.
Deux gouvernements rivaux règnent aujourd’hui sur la Libye. Le premier siège à Tripoli, le deuxième dans l’Est du pays. Un troisième gouvernement soutenu par l’ONU, avec un Premier ministre basé entre la Tunisie et le Maroc pourrait s’installer à Tripoli, à condition que les principaux groupes armés lui prêtent allégeance. On n’en est pas encore là.
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