Le Sahel, zone d’influence des islamistes armés
Fondé en 1961 en Algérie, le Mouvement islamique algérien mène dans les années 80 une guérilla contre l'Etat algérien avant d’être démantelé. Mais quand le pouvoir annule, début 1992, le premier tour des législatives remporté par le Front islamique du Salut, c'est l'étincelle qui met le feu aux poudres du terrorisme.
Le radical Groupe islamique armé (GIA) sort alors de l'ombre. L’organisation se divise en deux clans : les salafistes adeptes d’une révolution islamiste planétaire et les djazaristes militants du jihad en Algérie. La guerre civile est en route. Elle fera des dizaines de milliers de morts durant la décennie 90.
Aqmi, émanation du GSPC
En 1998, une partie des membres du GIA entrent en dissidence et forment le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Ce dernier met en place des filières de recrutement pour mener le Jihad en Irak, en Algérie et en Europe.
En 2006, le GSPC fait allégeance à Al-Qaïda et un an plus tard change de nom et devient Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Dès lors, le mouvement agit sur le territoire algérien et fédère les organisations salafistes d'Afrique du Nord.
Leur projet d’établir une base arrière dans la région malienne de Kidal avorte en septembre 2006. Ils se heurtent à la résistance des touaregs et de l'Alliance démocratique du 23 mai pour le changement, aile politique du mouvement touareg.
Le Sahel, théâtre d'opérations
Aqmi opère dans le Sahel, vaste zone partagée par l'Algérie, le Niger, la Mauritanie et le Mali. Ce territoire contient tout ou partie de ces pays et d’autres comme le Sénégal, le Burkina Faso, le Nigeria, le Tchad et le Soudan. Voire l’Ethiopie, l’Erythrée, Djibouti et la Somalie.
Le 8 avril 2012, un conseiller du président algérien Abdelaziz Bouteflika s’inquiète de la situation insurrectionnelle qui déchire le Mali, voisin de l'Algérie. Kamel Rezzag Bara y voit un «facteur de tensions» pouvant engendrer des «implications majeures» dans le Sahel.
De fait, les interactions entre la rébellion touareg dans l'Azawad – région du nord du Mali – appuyée par les islamistes d'Ansar Dine brouillent les cartes dans cette zone de trafics (armes, drogue, enlèvements, etc.).
Une région à hauts risques
Ansar Dine est dirigé par Iyad Ag Ghaly, un ancien chef de guerre touareg au passé trouble, impliqué dans des négociations avec Aqmi dans la libération d’otages, devenu salafiste après avoir gagné sa légitimité lors de la rébellion touareg de 1990. Son mouvement, qui prône l’instauration de la charia, est soutenu par Aqmi.
Les enlèvements sont devenus une source de financement pour tous ces groupes armés, et les otages une monnaie d’échange et de pression.
Inconnu il y a peu, le Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), une autre obédience islamo-terroriste, a émergé. Présenté comme dissident d’Aqmi, Mujao a kidnappé le 5 avril 2012 sept diplomates algériens à Gao, au Mali, et revendiqué en mars un attentat contre une gendarmerie sur le sol algérien.
Aqmi détient actuellement treize Européens enlevés dans trois pays de la région dont six français. Parmi les captifs, quatre collaborateurs d'Areva et Satom enlevés au Niger le 16 septembre 2010.
Pour mieux comprendre les enjeux au Mali
TV5 Monde, le 4 avril 2012
Une multitude de combattants surarmés
Ces mouvements ont proliféré à la faveur du retour de Libye d’hommes ayant soutenu le régime de Mouammar Khadafi. Une sorte d’internationale terroriste, en lien avec Aqmi mais sans direction centrale. Des centaines, voire des milliers de combattants, dont le nombre est impossible à déterminer et qui affluent dans le nord du Mali.
Des témoins font ainsi état de la présence à Tombouctou de membres nigériens et nigérians de Boko Haram, secte qui se réclame des talibans afghans, revendique des liens avec les shebab somaliens, et veut instaurer la charia dans le nord du Nigeria.
Après vingt ans de guerre civile et d’absence d’Etat, la Somalie a permis l’émergence des shebab qui ont longtemps contrôlé une bonne partie du centre et du sud du pays avant d’être chassés par les forces éthiopiennes de leur fief de Baïdoa en février 2012.
Des craintes de propagation
Louis Caprioli, consultant pour la société de sécurité Géos, s'inquiète : «Ils disposent de réseaux de soutien logistique, de réseaux qui leur communiquent des informations, de réseaux qui leur permettent de se déplacer dans la zone sans attirer l'attention. Et donc, il y a une réelle implantation, aussi bien (...) au Mali, au Niger, mais ce que l'on peut craindre à moyen terme, c'est (qu’elle s’étende) au Burkina Faso, au Nigeria et dans d'autres pays de la région.»
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