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L'économie de l'Afrique est bien partie, malgré de fortes disparités

53 pays, un milliard d’habitants, hausse moyenne de la population de 2,3%, du PIB de 3,4% (5% pour l'Afrique sub-saharienne en 2012), le continent africain est souvent présenté comme le parent pauvre de la croissance mondiale. Une erreur à corriger rapidement.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Forage au Soudan, par une compagnie chinoise. (Tong jiang/Imaginechina)

L’Afrique est un continent doublement riche. Riche de ses hommes d’abord. L'Afrique, dans toute sa diversité, est le continent le plus jeune au monde avec ses quelque 200 millions de 15-24 ans.

Riche de sa terre aussi. Le continent possède des capacités minières et agricoles très importantes. Chrome, platine, cobalt se trouvent essentiellement dans le sous sol africain. Sans parler de l’or, des diamants, du manganèse, de l’uranium…et des hydrocarbures.

Mais c’est aussi un continent pauvre : «L’Afrique subsaharienne affiche le plus faible niveau au classement de l’Indice de développement humain (IDH) agrégé pour l’année 2011, et ce, même si elle se classe deuxième pour la rapidité de progression sur la période 2000-11», note le site Perspectives économiques en Afrique. Un constat partagé par la FAO qui rappelait que la lutte contre la faim dans le monde connaissait ses limites dans l'Afrique sub-saharienne.

Les indices sur la pauvreté en Afrique sont nombreux (éducation, santé, accès à l'eau). Retenons celui-ci : seuls 31% des Africains ont accès à l'électricité (chiffres 2011).

Culture en Ethiopie (Mark Edward Smith / TIPS / Photononstop)
 

Une croissance forte
Les différentes institutions mondiales ou africaines estiment que la croissance devrait continuer à être positive en Afrique malgré la crise européenne et la baisse du commerce mondial. «La croissance de l’Afrique subsaharienne devrait rester supérieure à 5 % si la reprise mondiale se confirme. L’Afrique subsaharienne reste relativement protégée contre les facteurs négatifs qui freinent la croissance dans les pays avancés, mais les exportations fléchissent dans les pays qui ont des liens commerciaux étroits avec l’Europe», indiquait récemment le FMI qui souligne cependant que «les aléas négatifs sont plus grands qu’auparavant».

Les taux de croissance les plus élevés en Afrique (2011) (afdb.org)
 

Le Fonds monétaire international (FMI) différencie plusieurs types de pays sur le continent. Il estime que les pays en phase de décollage ne devraient pas voir leur croissance ralentir. En revanche, il pense que la croissance a fléchi dans les pays à revenu intermédiaire qui évoluent davantage en phase avec l’économie mondiale.

En Afrique du Sud par exemple, les exportations ont ralenti et la confiance des entrepreneurs a chuté, malgré des politiques macroéconomiques d’accompagnement. C'est ainsi que ce pays, principale économie du continent, fait partie des mauvais élèves avec une prévision de croissance (fraîchement révisée à la baisse) de 2,9% pour 2012/13. Cette «économie est plus intégrée dans les circuits mondiaux, et donc sensible aux crises des pays développés», a expliqué Mthuli Ncube, de la Banque africaine de développement (BAD). «Toute baisse de 1% dans le PIB en Europe entraîne facilement une baisse de 0,5% dans le PIB africain», a-t-il relevé.

Derrière ces chiffres se cachent bien sûr de grandes inégalités entre pays. Quoi de commun entre le Ghana, porté par une croissance de 13,7% en 2011 (chiffres de la BDA) ou le Mali qui connaissait une hausse de son PIB limitée à 2,7%? Sans parler des pays touchés par de graves crises politiques comme la Tunisie (-1,1%), la Côte d’Ivoire (-5,9%) ou la Libye (-41,8%).

«Pour 2012, Tous les pays sont en croissance, et c'est ça le principal: il n'y a aucun pays en Afrique qui soit dans le rouge! Même les pays les moins bons font légèrement mieux qu'en Europe», a indiqué Mthuli Ncube. La croissance de l'Afrique subsaharienne devrait être de 5,3% en 2012 et 5,4% en 2013, et de 6,3% pour les deux années si l'on exclut l'Afrique du Sud, selon des prévisions compilées avec l'OCDE et les Nations Unies.

Mine de cuivre en Zambie (Peter and Georgina Bowater / TIPS / Photononstop)


Les richesses du continent
Les nouvelles découvertes de pétrole, de gaz et d’autres minéraux dans les pays d’Afrique généreront une importante vague de nouvelles richesses minérales dans la région, a affirmé la Banque mondiale dans son dernier rapport. La BM avance que l’importance des ressources naturelles dans l’économie d’un certain nombre de pays producteurs de pétrole et de minéraux de cette région devrait se maintenir à moyen terme en raison des stocks considérables de ces ressources et des perspectives du maintien de prix élevés pour les matières premières.

A part l’Afrique du sud et d’autres rares pays, les économies africaines sont essentiellement portées par le secteur primaire (ressources naturelles). Matières premières agricoles ou industrielles comme les hydrocarbures qui participent au boom économique de certains pays comme le Ghana, pays qui a su aussi profiter d’une situation politique stable, d’un sous sol généreux, de produits agricoles qui s’exportent (cacao) et de la crise de ses voisins, comme la Côte d’Ivoire.

«L'agriculture reste au cœur de l’économie de la plupart des pays africains et contribue à la majeure partie des emplois, et de façon significative au produit intérieur brut (PIB) et aux recettes d'exportation. Compte tenu de sa position dominante dans l'économie, l’agriculture restera la principale source de croissance, d'emplois et de réduction de la pauvreté pendant les années à venir. Dans les pays africains, l’agriculture familiale est la principale source d'emplois, de nourriture et de revenus », précise cependant Mthuli Ncube.

Le miracle ghanéen
Deuxième producteur de cacao, 2e producteur d’or, le Ghana symbolise aujourd’hui une certaine réussite africaine. On parle du miracle ghanéen pour sa croissance à deux chiffres et sa stabilité politique. Un symbole qu'avait voulu célébrer Barack Obama en y faisant son premier déplacement de président en Afrique sub-saharienne en 2009.

«Considéré aujourd’hui comme un modèle de réussite en Afrique, ce pays (...) est devenu une place de choix pour les investisseurs qui veulent notamment exploiter ses abondantes ressources naturelles, profiter pleinement des débouchés commerciaux qu’offrent le marché ghanéen et la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)», résumait bien l’Afrique Expansion.

Pour la Banque mondiale, c’est la paix sociale et la confirmation d’une certaine culture démocratique qui explique le succès de l’économie ghanéenne. Associée à d’immenses richesses, cette stabilité a permis des investissements à plus long terme, gage d’une croissance économique qui ne se base pas que sur l’exportation de matières premières. Le Ghana semble en mesure de profiter de sa nouvelle manne pétrolière pour investir dans ses infrastructures (transports, logements).

Forum Chine Afrique à Pékin (Pang Xinglei /XINHUA)
 

Le modèle chinois
Continent essentiellement agricole, l'Afrique se tourne souvent vers l'Asie, et notamment vers la Chine, pour trouver un modèle de développement. Selon l'économiste Mthuli Ncube, l'Afrique a un rôle à jouer par rapport à la Chine. «Le temps est venu pour l’Afrique de se consacrer à l’industrialisation et de saisir les presque 85 millions d’emplois potentiels, au moment où les salaires augmentent en Chine et où les entreprises chinoises commencent à relocaliser à l’étranger. La perte d’emplois manufacturiers en Chine uniquement sera suffisante pour doubler l’emploi industriel dans les pays à bas revenus et en Afrique. C’est pourquoi il sera extrêmement bénéfique aux économies africaines d’identifier soigneusement les secteurs qui offrent un avantage comparatif, et de les promouvoir», affirme-t-il.

Pour Lloyd Amoah, universitaire et politologue ghanéen, la Chine ne doit pas être seulement une source d'emplois mais aussi une sorte de modèle pour un continent où l'instabilité joue souvent contre l'économie. Il suggère «que les gouvernements africains devraient se référer à l’histoire moderne de développement de la Chine et s’en inspirer pour promouvoir la croissance de leur propre économie». M. Amoah, professeur assistant au Collège universitaire Ashesi, estime qu'une «interaction créative entre économie d’Etat et économie de marché, telle que celle qui prévaut en Chine depuis 1978, aiderait les pays africains à accélérer le développement de leur économie».

«Si l'Afrique, berceau de l'humanité, parvient à faire vivre pleinement la démocratie, partout et pour tous, si elle réussit à surmonter les démons de la division, alors elle sera le continent où se jouera l'avenir de la planète», avait affirmé François Hollande dans son discours de Dakar. Mais il ne pensait sûrement pas au modèle chinois.

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