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Le Dr Morissanda Kouyaté, un homme "en guerre" contre l'excision

Le médecin guinéen a été récompensé par le Prix Nelson Mandela de l'ONU pour son engagement contre les mutilations génitales féminines.

Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Le Dr Morissanda Kouyaté lors de sa participation à une conférence sur l'excision en Egypte en juin 2019. (Compte Facebook)

Morissanda Kouyaté est le co-lauréat du Prix Nelson Mandela 2020. Cette récompense honorifique est décernée tous les cinq par l'Assemblée générale de l'ONU à deux personnes pour leur contribution à la promotion des objectifs des Nations unies. Le médecin guinéen lutte depuis une trentaine d'années pour en finir avec l'excision.

Initiateur d'une résolution à l'ONU

Son nom ne vous dit peut-être pas grand-chose, mais le Dr Morissanda Kouyaté est l'un des meilleurs défenseurs des femmes victimes de mutilations génitales. C'est grâce à lui que l’ONU a adopté en 2012 une résolution contre cette pratique qui touche 200 millions de filles et de femmes dans le monde, notamment en Afrique.

Les mutilations génitales féminines concernent toutes les interventions incluant l'ablation ou la lésion des organes génitaux externes de la femme, pratiquées pour des raisons culturelles ou de fausses convictions religieuses. Certains pays, comme le Soudan, ont fait récemment des progrès dans ce domaine, mais le combat est loin d’être gagné, comme le souligne le médecin guinéen dans une interview au journal émirati The National.

Nous avons obtenu des résultats spectaculaires en Guinée, en Afrique et dans le monde, mais il reste beaucoup à faire

Morissanda Kouyaté, médecin guinéen co-lauréat du Prix Nelson Mandela de l'ONU

à The National

Un médecin témoin des pires horreurs

Le combat du Dr Morissanda Kouyaté contre l'excision est né d’une expérience malheureuse qu'il a vécue dans son propre pays, la Guinée, où 97% des femmes ont subi une excision, selon l'organisation Plan international.

Fraîchement diplômé en médecine dans les années 80, Morissanda Kouyaté commence à pratiquer dans sa ville natale de Kouroussa, dans le nord-ouest du pays. Il reçoit un jour cinq femmes accompagnées de deux filles de 12 ans dans un état critique. Des jumelles en sang qui venaient de subir une excision. Le jeune médecin essaie tout pour les sauver. Sa femme fait même don de son sang, en vain.

Les deux jeunes filles étaient déjà trop affaiblies et ne survivront pas à leur mutilation. Leur mort marquera à jamais le médecin guinéen.

Ce drame m'a propulsé dans la lutte contre l'excision (…) J'ai l'impression d'être dans une guerre pour venger ces filles

Morissanda Kouyaté, médecin guinéen co-lauréat du Prix Nelson Mandela de l'ONU

à The National

Depuis, le Dr Kouyaté multiplie ses efforts pour éliminer cette pratique traditionnelle. En Guinée d’abord, où il va à la rencontre des exciseuses et des communautés pour les sensibiliser à ce fléau qui s'inscrit souvent dans un rituel de passage à l’âge adulte.

Sa démarche lui vaut même des menaces des fanatiques religieux, comme le souligne RFI. Mais rien n'arrête le médecin qui poursuit son combat à un niveau panafricain et international pour éliminer l’excision. Le co-lauréat du Prix Nelson Mandela se dit aujourd’hui convaincu que cette pratique "absurde" sera un jour totalement vaincue.

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