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Guinée: le capitaine Dadis Camara rattrapé par le massacre du 28 septembre 2009

C’est sous son règne que 157 Guinéens qui manifestaient pacifiquement s’étaient faits massacrer dans un stade de Conakry. Des dizaines de femmes sauvagement violées, des opposants portés disparus. L’ancien chef de la junte guinéenne, Dadis Camara, a finalement été inculpé le 8 juillet 2015 par des juges guinéens. Retour sur la journée du 28 septembre 2009 qui hante toujours la mémoire des Guinéens
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le capitaine Moussa Dadis Camara, ancien chef de la junte militaire guinéenne, le 1er octobre 2009 à Conakry. (Photo Reuters/Luc Gnago)

Ce 28 septembre 2009, le stade de Conakry est plein à craquer. Des milliers d’opposants se sont rassemblés pour dire non à la candidature du chef de la junte militaire guinéenne, le capitaine Moussa Dadis Camara, qui a pris le pouvoir par les armes en décembre 2008. Il veut se présenter à l'élection présidentielle.
 
La veille, il a interdit toute manifestation dans la capitale. La répression menée par ses hommes est brutale. Ils tirent à bout portant. Ils violent et massacrent tout sur leur passage. Les témoignages recueillis par Human Rights Watch font froid dans le dos.
 
Un manifestant de l'opposition emmené par les forces de sécurité dans le stade de Conakry, le 28 septembre 2009. (Photo/AFP)

Un homme rescapé du massacre raconte : «Les bérets rouges sont entrés par le grand portail du stade. Ils ont commencé à tirer directement sur la foule. J’ai entendu un soldat crier : "Nous sommes venus faire du nettoyage!" J’ai décidé de courir à la porte située à l’extremité. J’ai vu de nombreux corps gisant sur la pelouse.»
 
Un dirigeant de l’opposition présent ce jour-là à la tribune du stade: «Les soldats ont mis les portes en métal sous tension en coupant les câbles électriques avant d’encercler le stade. Ils sont ensuite entrés dans le stade en tirant. Les gens tombaient. C’était incroyable. Il y avait des cadavres partout.» 
 
Des viols collectifs et des violences sexuelles particulièrement cruelles ont été commis contre des dizaines de filles et de femmes au stade, souvent avec une brutalité extrême. Certaines victimes sont mortes suite aux blessures infligées.

Une enseignante âgée de 35 ans à l’époque a décrit à Human Rights Watch: «Lorsque les tirs ont commencé, j’ai essayé de courir, mais les bérets rouges m’ont attrappée et traînée au sol. L’un d’eux m’a frappé deux fois sur la tête avec la crosse de son fusil. Et quand je suis tombée, les trois se sont jetés sur moi. Deux m’ont maintenue à terre tandis que l’autre me violait. Ensuite le second m'a violée, puis le troisième. Ils me battaient tout le temps.»
 
Puis elle raconte le calvaire d’une jeune femme violée aussi à ses côtés. «A environ trois mètres, une autre femme avait été violée. Lorsqu' ils ont fini, l'un d'entre eux a pris sa baïonnette et l'a enfoncée dans son vagin. J'ai vu cela, juste à côté de moi... J'ai été tellement effrayée qu'ils ne le fassent à moi aussi.»
 
Le 28 septembre 2009, les corps des victimes affluent à la morgue de Conakry. Certains seront ensuite enlevés par des militaires et enterrés dans des fosses communes. (Photo Reuters)

Selon une enquête menée par Human Rights Watch, le massacre était prémédité et a été perpétré par des unités d’élite de la garde présidentielle.
 
Depuis son exil doré du Burkina Faso, le capitaine Moussa Dadis Camara a toujours nié être responsable de cette tragédie. Il avait accusé son aide de camp, le lieutenant Toumba Diakité d’avoir supervisé cette opération. Excédé, ce dernier lui avait tiré une balle dans la tête.

Laissé pour mort, Dadis Camara avait été évacué le 3 décembre 2009 pour des soins au Maroc avant de trouver refuge à Ouagadougou, au Burkina Faso. C'est là que des juges guinéens l'ont auditionné et inculpé le 8 juillet 2015.
 
Il venait d’annoncer son prochain retour en Guinée pour se présenter à l’élection présidentielle prévue en octobre 2015. Il a été rattrapé par l’enquête judiciaire sur le massacre du 28 septembre.

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