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Le Gabon se débarrasse de ses «clandestins ouest-africains»

La vague d’expulsions touchant les immigrés ouest-africains résidant au Gabon s’est accélérée ces dernières semaines. Plus de 1000 «clandestins» ont été renvoyés dans leurs pays d’origine depuis juin 2015. L'opération est loin d'être terminée. Les autorités gabonaises invoquent la menace terroriste de Boko Haram. Les expulsés dénoncent une xénophobie qui ne dit pas son nom.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Ce n'est pas la première fois que le Gabon expulse des immigrés. En janvier 2004, de nombreux clandestins béninois avaient été embarqués dans un bateau et renvoyés dans leur pays. (Photo AFP/Désirey Minko)

Ils sont revenus au pays les mains vides, raconte le correspondant de La voix de l’Amérique à Bamako. Parmi les 175 Maliens expulsés du Gabon en décembre 2015, certains disent avoir été jetés en prison et maltraités par les autorités gabonaises.
 
Embarqués de force sur un bateau, ils ont d’abord voyagé jusqu’au port nigérian de Calabar. Puis ils ont pris la route vers Cotonou au Bénin, avant de débarquer dans la capitale malienne, le 5 janvier 2016 via Ouagadougou, au Burkina Faso. Le calvaire a duré deux semaines. Il leur a été reproché de vivre clandestinement au Gabon.

«Je n’ai rien amené. C’est dans la rue que j’ai été arrêté et expulsé», raconte un Malien qui a tout laissé derrière lui.
Son compatriote qui a fait le même voyage est encore sous le choc: «L’expulsion n’est pas un problème. C’est la façon d’expulser qui cause problème.»

Bala Bagayogo affirme, lui, être né et avoir grandi au Gabon. Il a été accusé de posséder de faux papiers et jeté en prison pendant une année avant d’être expulsé. «J’ai ma famille là-bas. Mon père est au Gabon, ma mère est au Gabon. Mes petits frères sont là bas», clame-t-il.

Qu’ils soient Maliens, Nigérians, Béninois, Burkinabè, ou Sénégalais, ils sont nombreux à se plaindre du sort qui leur a été résérvé par les autorités de Libreville.

Malaise dans les capitales de la sous-région
Le 3 août 2015, ils étaient 453 à être expulsés du Gabon. Parmi eux, un groupe de 60 ressortissants sénégalais qui affirment avoir été maltraités.

«La vie des ressortissants sénégalais au Gabon vacille entre détentions arbitraires, expulsions voire même assassinats. Ce n’est pas la première fois que le Gabon torture ou maltraite des migrants», affirme l’association sénégalaise Horizon sans frontière. Son président a même menacé de déposer une plainte aux Nations Unies contre le Gabon pour «violations et tortures contre les migrants».
 
Des accusations aussitôt balayées par les autorités gabonaises qui se disent prêtes à répondre à cette plainte.
 
Le Nigeria a pour sa part dénoncé les conséquences de ces expulsions sur sa sécurité intérieure. Non seulement ses propres ressortissants sont expulsés du Gabon, mais aussi des centaines de citoyens d’autres pays de la région sont renvoyés dans son port de Calabar et dans d’autres ports du pays. Il ne veut donc plus accueillir ces immigrés africains. «Tout navire utilisé pour déporter des immigrés dans les ports nigérians sera mis en fourrière», a averti le ministre nigérian de l’Intérieur.

Opération «Nguene», le 23 février 2001 au Gabon. Des immigrés en situation irrégulière sont arrêtés par la police. (Photo AFP/Désirey Minko)

Des réactions parfois hystériques à Libreville
La fermeté observée par les autorités gabonaises sur la question de l’immigration clandestine a suscité des réactions parfois hystériques à Libreville.

Sur les réseaux sociaux, certains Gabonais se plaignent «d’étouffer» dans leur propre pays. Dans un post mis en ligne sur le site Gabon review, un internaute n’hésite pas à proposer un «numéro vert gratuit» pour dénoncer les clandestins.

Votre post a des relents de déjà vu, lui répond un autre internaute. «L’étoile jaune a déjà été utilisée. Vous voulez prendre quoi comme emblème pour les non-gabonais», s’interroge-t-il.

«Mets tes papiers à jour, cherche à avoir ta carte de séjour et tu n'auras aucun problème avec les Gabonais», suggère un autre internaute qui tranche le débat : «Il faut être en règle, c’est tout. Ou tu dégages.»

Le gouvernement gabonais a prévenu : la lutte contre l’immigration clandestine sera accentuée par des actions vigoureuses pour réduire l’ampleur du phénomène. «Les opérations de reconduite aux frontières se poursuivront, en même temps que la régularisation pour ceux qui doivent l’être», a déclaré le ministre gabonais de l’Intérieur.

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