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Gabon: Jean Ping, le «messie» de l’opposition et l’ennemi juré d’Ali Bongo
Le candidat Jean Ping aura désormais la lourde tâche de défier le président sortant Ali Bongo au scrutin à tour unique du 27 août 2016. Il a reçu le soutien de deux principaux candidats et poids lourds de l’opposition, Guy Nzouba Ndama, ex-président de l’Assemblée nationale, et Casimir Oyé Mba, ancien Premier ministre. Un face-à-face en perspective entre deux ennemis jurés.
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Aussitôt après sa désignation, Jean Ping a martelé devant plusieurs milliers de sympathisants rassemblés à Libreville son intention de «mettre fin au règne de l’imposteur, du dictateur». Il ne fera donc aucun cadeau à Ali Bongo, devenu sa bête noire depuis qu’il a claqué la porte du régime dont il fut pourtant un des principaux piliers sous la présidence d'Omar Bongo.
Né d’un père chinois installé au Gabon dans les années 1920, Jean Ping, 73 ans, a été plusieurs fois ministre d’Omar Bongo et son directeur de cabinet, avant d’être porté à la tête de la Commission de l’Union africaine en 2008.
La rupture a été consommée en février 2014 lorsque Jean Ping a basculé dans l’opposition. Depuis, les deux hommes ne se parlent plus. Et tous les coups sont permis entre les deux anciens alliés.
«Le Gabon est une dictature pure et simple entre les mains d’une famille, d’un clan. Si le Gabon n’est pas une dictature, alors il n’y en a nulle part», répète Jean Ping dans ses meetings tout en invitant ses compatriotes à tourner cette page douloureuse de leur histoire.
Et quand un journaliste du Monde lui rappelle qu’il a participé activement à cette dictature durant les 41 ans de règne du président Omar Bongo, Jean Ping le reconnaît volontiers: «Bien sûr! Absolument! J’y ai participé mais j’ai demandé pardon.»
Et de lancer : «Avec 1,5 millions d’habitants et toutes les ressources que nous avons, comment ne peut-on pas subvenir aux besoins élémentaires de la population? Comment se fait-il que les gens fouillent dans les poubelles pour manger et ne vont pas à l’école?»
«Pas de projet politique»
Attaqué de toutes parts par les anciens compagnons de son père, Ali Bongo dénonce «une cohorte» de leaders politiques animés «par la haine et sans projet politique». Il a la dent particulièrement dure contre Jean Ping: «Jean Ping se trouvant sans emploi n’a rien trouvé de mieux que de vouloir mon emploi, c’est la blague qui circule dans le milieu des chefs d’Etat africains», plaisantait Ali Bongo devant des journalistes en août 2014, non sans rappeler que c’est grâce à lui que Jean Ping est devenu directeur de cabinet d’Omar Bongo.
«Parmi ces gens-là qui ont échoué dans le passé, il y en a un qui, comme vous le savez, a été à la tête de quatre ministères sous Omar Bongo, et il a toujours échoué», affirme le candidat Ali Bongo devant plusieurs milliers de ses partisans dans un meeting à Libreville.
Celui qu’il désigne ainsi sans le nommer s’apprête désormais à l’affronter dans les urnes. Jean Ping veut construire un nouveau Gabon sans Ali Bongo Ondimba.
«Je suis le Général qui mènera le combat de la libération», proclame Jean Ping à ses partisans venus par milliers pour l’acclamer à Libreville après sa désignation par ses compagnons de lutte. Il promet aux Gabonais de fonder un pays «sans peur et à l’abri du besoin». Et de ne pas s’éterniser au pouvoir : «Je ne ferai qu’un seul mandat ! Dans les cent jours qui suivront mon élection à la magistrature suprême, je mettrai en place une commission spéciale pour revenir aux élections à deux tours et à la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux».
«Une alliance contre-nature»
La nouvelle donne a visiblement pris de court les stratèges de la campagne du président sortant. Mais la majorité affiche sa sérénité. Le porte-parole du candidat Ali Bongo dénonce «une alliance contre-nature qui présente un risque réel pour le Gabon».
Pour lui, il s’agit tout simplement «d’un marchandage d’épiciers de la part de vieux politiciens qui ne pensent qu’à leurs petits intérêts.
Le pouvoir gabonais brandit le risque pour le Gabon de basculer dans la violence à quelques jours seulement d’une élection présidentielle dont l’issue est plus que jamais incertaine.
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