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Zimbabwe : l'eau devient une denrée rare dans la capitale

Depuis plusieurs mois, le ravitaillement en eau potable est très problématique à Harare. Une situation liée à la grave sécheresse qui sévit dans la région. Mais aussi aux problèmes économiques qui étranglent le pays.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des habitants attendent leur tour pour prendre de l'eau à un forage à Mabvuku, banlieue densément peuplée de Harare, le 3 septembre 2019. (REUTERS - PHILIMON BULAWAYO / X02381)

Dans la capitale du Zimbabwe Harare, l'eau potable pourrait bientôt ne plus couler des robinets en raison des difficultés financières de son unique usine de traitement. Le 23 septembre 2019, celle-ci a dû suspendre la distribution de l'eau faute d'avoir pu importer les produits chimiques nécessaires au traitement, dont le coût s'élève à 3 millions de dollars américains par mois. Motif : le pays manque cruellement d'argent. Dans ce contexte, en attente de paiement et de dédouanement, les produits sont restés bloqués à la frontière sud-africaine.

Finalement, le maire de la capitale, Enock Mupamawonde, a annoncé à la presse avoir déniché "des stocks de produits chimiques pour reprendre la production d'eau". La ville les aurait achetés à des fournisseurs locaux, précise Reuters. Pendant ce temps, la population doit faire la queue pendant des heures pour tenter de trouver le précieux liquide.

("Nous n'avons presque plus d'eau à nos robinets. Nous prions chaque jour pour que le choléra ne revienne pas. Il y a bien eu quelques forages mais il faut faire la queue très longtemps pour obtenir de l'eau. Pourtant, il y a bien d'autres choses pour lesquelles nous devons faire la queue dans la vie", a expliqué un habitant à CNN.)

Un manque d'eau qui ne date pas d'hier

En fait, le manque d'eau ne date pas d'hier. "On n'en a plus au robinet depuis plus de 10 ans maintenant. J'ai dû installer dans ma propriété deux gros réservoirs de 5000 litres", a indiqué à l'AFP Tapiwa Moyo, un habitant de Glen Lorne, quartier de classes moyennes dans l'est de la capitale. Dans ce contexte, de nombreux citoyens sont obligés d'utiliser de l'eau tirée de puits creusés dans des conditions sanitaires douteuses à l'origine de fréquents cas de choléra. En 2018, la maladie avait entraîné la mort d'une cinquantaine de personnes. Il s'agissait de la plus grave épidémie depuis une décennie.

Une jeune femme porte un seau d'eau, son bébé dans le dos, à Warren Park, banlieue de Harare (Zimbabwe), le 24 septembre 2019. (PHILIMON BULAWAYO / X02381)
Pour l'instant, le stock de produits chimiques sur lequel on a miraculeusement mis la main, devrait permettre à l'usine de traitement de Morton Jaffray de fonctionner pendant une semaine, dixit les autorités. D'autres stocks devraient arriver d'Afrique du Sud.

Même si les produits de traitement reviennent à Morton Jaffray, la ville n'est pas pour autant tirée d'affaire, admet le maire, cité par Reuters. Selon lui, il faudrait construire de nouveaux barrages, dont les projets sont dans les cartons depuis plus de 20 ans. Comme solutions à court terme, Enock Mupamawonde préconise de réaliser d'autres forages et d'amener l'eau aux habitants par camion citerne.

Une jeune mère, bébé sur le dos, à Mabvuku, banlieue densément peuplée de Harare, le 3 septembre 2019. (REUTERS - PHILIMON BULAWAYO / X02381)

Grave sécheresse

Au-delà, la pénurie est également provoquée par des réserves d'eau très basses, notamment celle du lac Chivero sur la rivière Manyame, qui alimente Harare. "C'est un secret de Polichinelle que cette année, il y a eu une sécheresse", a dit Enock Mupamawonde, cité par le site du journal zimbabwéen Newsday. Cette sécheresse qui touche toute l'Afrique australe, est considérée comme la pire depuis 35 ans. 

En juin, Harare et Bulawayo, seconde ville du pays, avaient dû mettre en place des plans de restriction n'autorisant les habitants à prendre de l'eau qu'une seule fois par semaine. 
Et en juillet, l'ONU et le Programme alimentaire mondial expliquaient qu'"un tiers des ménages ruraux du Zimbabwe, soit quelque 3,5 millions de personnes (sur une population globale de 16,5 millions d'habitants, NDLR), se trouvaient en situation d'insécurité alimentaire dangereuse en raison d'une grave sécheresse".

Le gouvernement zimbabwéen a déclaré l'état de catastrophe "dans toutes les zones urbaines et rurales du pays en raison de la sécheresse qui a entraîné une baisse de plus de moitié de la production agricole", rapportait l'agence Bloomberg le 17 septembre. 5,7 millions de personnes seraient affectées. Le pays se retrouverait ainsi dans l'obligation d'importer 800 000 tonnes de blé.

Des femmes prennent de l'eau à un puits à Warren Park, banlieue de Harare (Zimbabwe) le 24 septembre 2019. (REUTERS - PHILIMON BULAWAYO / X02381)

Crise économique et financière

Mais la sécheresse n'explique pas tout. "Les problèmes d'eau ont été aggravés par l'environnement économique difficile que nous connaissons tous", concède le maire de la capitale cité par Newsday. De fait, le Zimbabwe est englué depuis près de vingt ans dans une crise économique et financière catastrophique, héritage de la dictature de l'ex-président Robert Mugabe (1980-2017). Ce dernier est mort début septembre à l'âge de 95 ans, après avoir été renversé par l'armée fin 2017. Ruiné par l'hyperinflation, le chômage de masse et la dévaluation de sa devise (le dollar du Zimbabwe), le pays manque de tout, du carburant à la farine, en passant par l'électricité et les devises fortes. Les coupures de courant durent parfois 18 heures par jour.

Les services publics de base comme la distribution d'eau n'échappent pas à ce désastre. L'usine de traitement de Morton Jaffray, la seule qui alimente les quelque 4,5 millions d'habitants de l'agglomération d'Harare, subit régulièrement des pannes. Selon le maire, 55% de l'eau se perd dans les fuites des canalisations, totalement obsolètes.

Enfants transportant de l'eau à Harare, au Zimbabwe, le 10 septembre 2019. (SIPHIWE SIBEKO / X90069)

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