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Zimbabwe : des femmes en première ligne de la lutte anti-braconnage

Des unités entièrement féminines participent à la lutte contre des braconniers armés jusqu'aux dents, comme a pu le constater l'AFP.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des nouvelles recrues féminines pour les unités de lutte contre le braconnage lors d'un stage de sélection à Phundundu (nord du Zimbabwe) le 16 septembre 2019. (GIANLUIGI GUERCIA / AFP)

Toutes les candidates aux unités de lutte contre le braconnage au Zimbabwe sont des survivantes : victimes de violences sexuelles, orphelines du sida, mères célibataires, femmes abandonnées... Des personnes malmenées par la vie qui comptent bien désormais reprendre leur destin en main. Et ne manquent pas de courage pour affronter leur nouvelle vie.

Une dizaine de femmes courent en portant à bout de bras un lourd tronc d'arbre lors d'un stage de sélection organisé dans la région de Phundundu (nord du Zimbabwe), rapporte l'AFP. Au fin fond du bush zimbabwéen, elles suent sang et eau pour intégrer une unité 100% féminine de lutte contre le braconnage. A la fin de cette sélection digne d'un stage commando, les plus endurantes deviendront des rangers "akashinga". Akashinga? Les "courageuses" en langue shona.

Courageuses, elles le sont à plus d'un titre. D'abord parce qu'elles devront affronter des braconniers armés jusqu'aux dents. Ensuite parce qu'elles se trouvent face à un nouveau destin pour s'arracher à un passé difficile.

Parmi elles, Chiyevedzo Mutero, violentée par sa belle-mère jusqu'à ce qu'elle claque la porte du foyer et divorce. Aujourd'hui, elle élève seule sa fille. "Mon mari est en Afrique du Sud et il ne m'envoie même pas d'argent (...). Je suis donc ici pour me donner les moyens d'élever mon enfant", prévient-elle d'un ton bien décidé.

Cette mère seule de 22 ans participe avec quelque 160 femmes à une compétition de quelques jours, très exigeante sur le plan physique et mental. Au programme: pompes, courses et longues marches sous la chaleur...

Pendant un exercice de lutte, la jeune femme s'est cassé un doigt. Mais elle refuse de s'apitoyer sur son sort. Un bandage et elle repart illico avec ses camarades. "Je suis heureuse" de pouvoir continuer, "c'est la raison pour laquelle je ne pleure pas", explique-t-elle. "J'essaie de devenir une Akashinga".

De l'Australie au Zimbabwe

Ce programme a été conçu par Damien Mander, un ancien soldat de l'armée australienne qui, après trois ans passés sur le front irakien, dirige la Fondation internationale contre le braconnage (IAPF). "On essaie de créer une opportunité pour les femmes les plus marginalisées dans une des régions les plus dures et dans un des pays les plus pauvres du continent", explique-t-il à l'AFP. "On ne voulait pas des gens avec des CV formidables, on voulait des battantes", poursuit Damien Mander, 39 ans, en veste kaki, pantalon assorti ... et les pieds nus.

La formation des femmes candidates pour intégrer des unités de lutte contre le braconnage à Phundundu (nord du Zimbabwe) : un entraînement de commando... Photo prise le 17 septembre 2019.    (GIANLUIGI GUERCIA / AFP)
Le parcours de ces femmes malmenées par la vie s'avère payant sur le front de la lutte contre le braconnage. "Ces filles savent bosser", confirme l'un des formateurs zimbabwéens, Paul Wilson, lui aussi ancien militaire. "Elles ont l'habitude de marcher de longues distances avec des bidons de 20 litres d'eau sur la tête, de passer la journée à labourer des champs, de transporter de gros fagots de bois".

"La plupart des gens pensent qu'être ranger est un travail d'hommes parce qu'ils croient que les hommes sont plus forts que les femmes", ajoute Juliana Murumbi, une ranger issue de la première promotion formée en 2017. "Mais je pense qu'on est pareils. Au final, je peux faire ce qu'ils font".

"Faire appliquer la loi n'est pas une question de biceps et de coups de feu", poursuit Damien Mander. "Il s'agit plus de créer des relations et des liens à long terme avec les communautés". Et, constate-t-il, les femmes ont cette "capacité à désamorcer naturellement les tensions". Les candidates présélectionnées sont toutes originaires de la zone qu'elles seront amenées à protéger. "C'est dans leur intérêt (...) que cela marche", explique l'ex-militaire.

Petite armée de milliers de femmes

Le résultat est concluant dans cette région du Zimbabwe où 8000 éléphants ont été tués depuis le début du siècle. Depuis le déploiement des premières rangers féminines de l'IAPF en 2017, les cas de braconnage ont diminué de 80%. Au total, 115 personnes ont été arrêtées... et aucun coup de feu n'a été tiré.

Des femmes en tenue de combat et armées patrouillent désormais dans cinq réserves d'une superficie totale de 4000 km². A terme, Damien Mander compte déployer "une petite armée de milliers de femmes" dans 20 réserves.

Le travail est extrêmement dangereux. "La protection de l'environnement devient de plus en plus militarisée", face à des braconniers armés, explique le responsable. Jusqu'à présent, aucune ranger n'a été tuée mais ce n'est qu'une question de temps, prévient leur chef. "C'est la nature de cette activité, c'est un boulot difficile".

Sur le plan personnel, ce programme "transforme totalement la vie des femmes", assure l'une des rangers, Nyaradzo Auxilia, 27 ans. Grâce à leurs salaires, elles acquièrent une indépendance financière. "Certaines ont construit leur maison", se réjouit Nyaradzo Auxilia.

Chiyevedzo Mutero, la jeune mère de 22 ans, espère bien leur emboîter le pas. Son courage a pour l'instant payé : sélectionnée pour intégrer une nouvelle unité antibraconnage, elle commencera sa formation finale de six mois en 2020.

Unité, entièrement composée de femmes, chargée de lutter contre les braconneurs dans le Phundundu Wildlife Park (nord du Zimbabwe) le 21 juin 2018. (KATE BARTLETT / DPA)

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