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Trafic de bois de rose vers la Chine : le Sénégal est "en train de perdre la bataille"

Le bois précieux est coupé dans les forêts sénégalaises. Il passe clandestinement la frontière gambienne avant d'être exporté vers la Chine où il est utilisé pour la fabrication de meubles de luxe.

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un coupeur de bois de rose clandestin en pleine action dans la forêt casamançaise. (Capture d'écran Youtube "Les arbres saignent" par la BBC)

Les dégâts de ce trafic sont énormes. 300 000 tonnes de bois de rose exportées vers la Chine depuis la Gambie voisine ces trois dernières années. Pourtant, ce pays ne dispose plus de réserves de ce bois précieux. "Les Chinois installés en Gambie pillent et souillent notre pays", ne cesse de dénoncer l’écologiste et ancien ministre sénégalais de l’Ecologie Haïdar El Ali. Il vient de témoigner à nouveau dans une enquête réalisée par la BBC.

"Les arbres qui saignent"

La télévision britannique a envoyé une équipe dans la région de la Casamance, au sud du Sénégal, près de la frontière gambienne. Son constat est sans appel : le Sénégal est en train de perdre la bataille, explique notre confrère Umaru Fofana, l’auteur de l’enquête intitulée Les arbres qui saignent diffusée sur les antennes de la BBC.

L’élection en Gambie d’un nouveau président proche du pouvoir sénégalais avait pourtant suscité l’espoir de voir s'arrêter ce pillage à grande échelle. Il n’en a rien été. Les chiffres que la BBC s’est procuré montrent que les exportations de bois de rose depuis le territoire gambien vers la Chine se sont poursuivies depuis l’accession au pouvoir du président gambien Adama Barrow en 2017.

"Ils pillent littéralement nos forêts"

Dans son reportage, on peut suivre notre confrère qui s'enfonce, en pleine nuit, dans la forêt casamançaise, à la rencontre d’un groupe de coupeurs de bois clandestins, en pleine action. Ceux-ci sont sénégalais. "Habituellement, nous n’osons pas entrer dans cette forêt par peur des esprits qui y vivent. Mais après avoir vu des Gambiens le faire, nous y entrons aussi pour couper les arbres", expliquent-ils.

Difficile de résister à cette activité très lucrative pourtant déclarée illégale par le gouvernement sénégalais. Selon l’écologiste Haïdar El Ali, plus de dix millions d’arbres ont été abattus au cours des dix dernières années. En exportant ce bois vers la Chine, les exploitants basés en Gambie auraient empoché plus de 213 millions d’euros. Un business très juteux.

"Le trafic est devenu inquiétant dans les années 2010 quand les Chinois s’y sont intéressés. Ils ont pillé tout le bois de rose de Madagascar et d’autres pays. Ils sont maintenant en Afrique de l’Ouest et pillent littéralement nos forêts", accuse l’écologiste sénégalais sur l’antenne de la BBC.

Au cours de son enquête, l'équipe de la BBC n’a pas pu franchir la frontière gambienne, passage obligé des camions chargés de bois de rose qui approvisionnent les lieux de stockage en Gambie. Mais on peut observer ces camions et leur chargement de bois grâce aux images filmées par un drone et présentées par l’écologiste Haïdar El Ali. L’appareil survole un village gambien frontalier de la Casamance et montre des milliers de troncs que des hommes chargent sur des camions, qui prennent la direction de Banjul, la capitale gambienne. C’est là que des opérateurs chinois entrent en jeu pour récupérer les cargaisons de bois de rose très prisé pour la fabrication de meubles de luxe.

"La Gambie doit arrêter le trafic de bois de rose"

Sur les images aériennes qu’elle a tournées à la frontière sénégalo-gambienne, l’équipe de la BBC a pu identifier au moins 12 dépôts de bois de rose, tous situés en territoire gambien. Les autorités de Banjul affirment pourtant que l'interdiction d'exporter le bois de rose est toujours en vigueur dans le pays et que des saisies de cargaisons de contrebande ont même été effectuées au cours des trois dernières années. Des dénégations loin de rassurer l'écologiste sénégalais Haïdar El Ali qui demande à la Gambie d'arrêter le pillage des forêts sénégalaises.

Ils tiennent de beaux discours et font de belles promesses. Ils disent qu'ils vont arrêter. Mais en réalité, ils ne le font pas. Tous les jours, nous voyons des trafiquants

Haïdar El Ali, ancien ministre sénégalais de l'Ecologie

à la BBC

Au cours des six dernières années, la Gambie a exporté plus de 600 000 tonnes de bois de rose. C’est l’équivalent d’un million d’arbres expédiés en Chine dont la valeur est estimée à 300 millions de dollars, précise l’enquête de la BBC.

L’écologiste sénégalais Haïdar El Ali lance un nouveau cri d’alarme. Il ne comprend pas comment un trafic d’une telle ampleur peut prospérer en toute impunité. Avec le risque de provoquer une catastrophe environnementale dans le sud du Sénégal.

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