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Sénégal: le réchauffement climatique menace Saint-Louis, la «Venise africaine»

Les effets du changement climatique menacent toujours davantage le mode de vie des habitants de l'ancienne capitale sénégalaise, dans le nord-ouest du pays. Une ville dont la fondation, à l’embouchure du fleuve Sénégal, remonte au XVIIe siècle, sous Louis XIV.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Maisons détruites par la montée du niveau de la mer près de Saint-Louis du Sénégal. Photo prise le 7 mai 2013. (SEYLLOU / AFP)

Des voix d'enfants s'échappent d'une école coranique du quartier des pêcheurs de Saint-Louis du Sénégal. A quelques mètres, les classes de deux autres écoles se sont déjà effondrées sous les assauts des vagues.

Les effondrements interviennent parfois sans crier gare. Le 8 juillet 2016, en pleine nuit, «une dizaine de maisons ont été détruites par la mer, les habitants ont pu s’échapper et ont dû se réfugier chez des voisins», raconte le site de France 24. «Avant, nous avions l’habitude de jouer au football sur la plage certains soirs (…). Maintenant, c’est impossible: il n’y a plus de plage», raconte un habitant cité par le site.

Conséquence: la plupart des édifices publics et privés de la ville, autrefois surnommée la «Venise africaine» et classée depuis 2000 au Patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco, nécessiteraient des travaux de rénovation.

L’urgence se fait sentir dans le quartier populeux de Guet Ndar. L'école Abdoulaye Mben Khali a ainsi perdu huit classes en raison de la montée des eaux. Ses élèves sont à présent accueillis dans un autre établissement, Cheikh Ndar, à une cinquantaine de mètres plus loin sur le front de mer. Un établissement seulement séparé des vagues de l’océan par une bande de sable d'une vingtaine de mètres.

Tout près de là, 152 familles ont perdu leurs logements, notamment lors des tempêtes qui ont frappé le Sénégal en septembre 2017. Elles ont été relogées dans des tentes installées à l'intérieur des terres, près du petit aéroport de Saint-Louis.
A Saint-Louis, des maisons endommagées par la marée. Photos prises entre le 15 février 2011. (AFP - Photononstop - Bernard Foubert)

Un à trois mètres par an
Selon les sources, l’eau monterait de un à trois mètres par an depuis une dizaine d’années.

«Bâtie sur une île étroite (2 km de long pour 300 m de large), (la ville) est cernée par le fleuve et timidement protégée de l’océan par (une) barrière naturelle: la Langue de Barbarie», une bande sablonneuse d'une vingtaine de kilomètres de long entre mer et fleuve, constate Jeune Afrique.

Facteur aggravant, les maisons de la pointe Nord de l’île sont souvent construites au niveau de l’Atlantique. On estime que 150.000 personnes sont ainsi menacées par la montée inexorable de l’eau.

Le phénomène perturbe l’environnement. «L’océan pénètre désormais dans l’embouchure du fleuve», observe Jeune Afrique. Ce qui entraîne la salinisation de l’eau et des nappes phréatiques, et ruine les cultures maraîchères. On observe aussi que les filaos, ces arbres tropicaux qui poussent dans les régions humides et qui sont cultivés pour leur bois, ont déserté la région. De leur côté, poissons et crevettes ont disparu de l’embouchure.

Comment protéger la ville?
A la demande des autorités sénégalaises, la Banque mondiale réalise une étude sur la protection de la ville face au changement climatique. Dans le même temps, les travaux pour la construction d’une digue de 3,6 km, destinée à protéger les quartiers les plus peuplés, doivent débuter à la mi-novembre. Ils devraient être terminés en février 2018.

Les efforts de protection et de rénovation ont des conséquences inattendues: ils entraînent des débats sur les éléments du patrimoine qu’il convient de conserver. Ou de ne pas conserver.

Ce fut notamment le cas pour la très symbolique statue de Louis Faidherbe, gouverneur colonial français du Sénégal de 1854 à 1861 puis de 1863 à 1865. Installée au cœur de Saint-Louis, sur la place qui porte son nom, elle est tombée début septembre, abattue par les fortes pluies. Certaines voix se sont alors élevées pour demander que le monument de bronze soit retiré et remplacé par des figures historiques locales.

Finalement, le vaillant général n’a pas quitté les lieux: les autorités estiment qu'on ne peut pas porter atteinte au patrimoine de la cité. Un patrimoine auquel «la situation de la ville (…), son plan urbain régulier, son système de quais et son architecture coloniale caractéristique confèrent à Saint-Louis sa qualité particulière et son identité», explique le site de l’Unesco.

Vue générale de Saint-Louis du Sénégal le 6 septembre 2013. (AFP - Photononstop - Nicolas Thibaut)

Petite précision: la place Faidherbe devrait être rafraîchie grâce à un «programme de développement touristique», financé à hauteur de 24,5 millions d'euros par la France.

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