En Ouganda, la création d'un parc national se fait au détriment d'un peuple autochtone
Le peuple Benet a été expulsé de ses terres lors de la création du Parc national du Mont Elgon, dénonce Amnesty International. 25 ans après, ils vivent dans des conditions déplorables.
Au départ, il y a un site naturel exceptionnel. Le Mont Elgon, un volcan éteint, à la frontière entre l’Ouganda et le Kenya, quatrième sommet de l’Est africain et huitième du continent. L'ancienne caldera forme un plateau large de 80 kilomètres et s'élève à plus de 3 000 mètres au-dessus des plaines.
A la fin du XXe siècle, Kenya et Ouganda ont décidé de faire de ce plateau au sommet de la montagne une zone de conservation de la nature. Une zone de plus de 1 200 km², transfrontalière, dont la majeure partie se situe en Ouganda. On y répertorie notamment 300 espèces d’oiseaux. Pour cela, les Etats ont pris la décision de délocaliser et de sédentariser des communautés pastorales des landes d'altitude, de chaque côté du massif, au Kenya comme en Ouganda. Le déplacement donne à ces populations de "chasseurs-cueilleurs" le sentiment d’avoir été marginalisées dans des "lotissements agricoles".
Parc national
En 1993, la réserve naturelle devient le Parc national du Mont Elgon. Mais cela conduit à l'expulsion totale des résidents, les Benets, des forêts et landes d'altitude sur le versant ougandais où ils vivaient. Ce peuple autochtone a été déplacé en contrebas, dans la forêt. Là, ils ont largement déboisé (7 500 hectares) pour se consacrer désormais à une agriculture intensive, notamment le maïs, sans jamais replanter un arbre.
Pourtant, après 1993, certains vivaient encore à l’intérieur du parc, refusant d’être déplacés. En 2008, l’Uganda Wildlife Authority (UWA), l’organisme gestionnaire, expulse 200 familles du parc en vertu de la protection de la nature. Elles sont relocalisées sur de nouvelles terres, en contrebas de la montagne. Elles devaient, à l'origine, y rester six mois. "13 ans plus tard, ils (les Benets) habitent toujours dans de frêles cabanes faites de torchis et de morceaux de bois, qui devaient être une solution de relogement provisoire, et sont privés de services essentiels comme l’accès à l’eau potable, à l’électricité, aux soins de santé et à l’éducation", explique Deprose Muchena, directeur du programme Afrique de l’Est et Afrique australe à Amnesty International.
Récupérer les terres
Aujourd’hui, les Benets veulent que l’Etat ougandais les reconnaisse comme les habitants autochtones, et leur permette de réintégrer leur territoire. Amnesty International les soutient. "Il ressort des recherches universitaires que les effets de la conservation sont optimaux lorsque les peuples autochtones sont des partenaires qui participent à la conservation sur un pied d’égalité", explique Deprose Muchena. En 2016, le président Museveni a chargé une commission ad hoc d’enquêter sur ces différends fonciers. Mais le rapport final de cette commission n’a toujours pas été rendu public.
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