Côte d'Ivoire: une "île flottante" conçue avec 700 000 bouteilles plastiques récupérées
L'île artificielle, qui mesure 1000 m2 au sol, comprend plusieurs bungalows, un bar-restaurant, une cuisine, deux piscines, un petit pont, quelques arbustes et une promenade circulaire.
"L'île flottante", ce n'est pas la recette d'un dessert mais le nom d'un hôtel-restaurant original monté par le Français Eric Becker dans la lagune d'Abidjan, qui repose sur 700 000 bouteilles de plastique et d'autres déchets récupérés dans la capitale économique ivoirienne.
C'est vraiment une île artificielle qui flotte. Et on peut la déplacer.
Eric Becker, ancien entrepreneur informatiqueà l'AFP
Au départ, ce Lorrain de Thionville (est de la France), qui a tout vendu en 2012 pour se consacrer à cette aventure, voulait se lancer dans "la construction d'un catamaran de voyage". Mais "en étudiant la construction et la flottabilité, j'ai découvert la lagune" d'Abidjan et "imaginé l'île", explique-t-il.
Eric Bidon
Il décide alors de récupérer tout ce qui flotte: "bouteilles de plastique, chutes de polystyrène, claquettes etc..."
Pour les habitants du coin, Eric Becker devient alors "Eric Bidon". "On achetait des bouteilles aux gens, on en récupérait dans la lagune. Avec l'expérience, on a appris à suivre le vent et trouver où tous les déchets se concentrent".
L'île pèse environ 200 tonnes, avec en son centre une sorte de base en "béton allégé", indique son concepteur, qui ne veut pas préciser combien sa construction a coûté ni combien d'argent nécessite son fonctionnement.
Pour l'électricité, Eric Becker fait appel à un système combinant l'électricité solaire (avec des panneaux) et un groupe électrogène. Et l'île est reliée à la terre par un cordon ombilical qui lui fournit l'eau potable. La lagune, souillée par les industries locales, les activités portuaires et les égouts, est bien trop polluée pour que l'on puisse y puiser l'eau pour boire, se laver, pour remplir la piscine ou même pour s'y baigner directement.
Eaux usées
En 2018, le Français, qui habite sur l'île, lance l'hôtel (deux chambres) ainsi que les activités de jour (restauration, karaoké, piscine).
Les eaux usées de l'île sont jusqu'à présent directement rejetées dans la lagune... comme tout le système d'égouts d'Abidjan.
Eric Becker expérimente une nouvelle technique, asiatique, censée transformer les déchets en compost ainsi qu'une fosse septique pouvant être mise à l'eau, mais rien de tout cela n'est encore opérationnel.
Il accueille pour le moment une centaine de clients par semaine, un mélange d'Ivoiriens curieux et de touristes étrangers sensibles au thème de l'écologie. "A côté des grands hôtels, il fallait un truc original comme l'île flottante. Aujourd'hui, elle est devenue une attraction touristique", assure Mathurin Yao Saky, un ancien journaliste devenu conseiller d'Eric Becker, qui essaie de faire connaître l'île.
Donner l'exemple
Les clients semblent en tout cas conquis par l'idée.
C'est très original, c'est un lieu atypique. Je n'ai pas vu l'équivalent autre part. C'est une belle idée de donner une seconde vie au plastique comme ça et d'en faire une sorte de petite prouesse technique. J'aime beaucoup cet endroit.
Charles Molière, client français âgé de 28 ansà l'AFP
"J'ai découvert le site sur Internet et je le visite aujourd'hui. C'est surtout son caractère écologique qui m'impressionne le plus, au moment où l'on parle de plus en plus de protection de l'environnement. Ce monsieur a transformé les déchets de la ville en un lieu agréable. Il fallait vraiment y penser. Je souhaite que cela inspire d'autres personnes", estime Hamed Koné, ingénieur informatique ivoirien.
A l'avenir, Eric Becker espère plus de clients en soirée pour son île encore méconnue.
Mais à long terme, il aimerait surtout que son système fasse école et que d'autres îles soient construites à partir de déchets. "On pourrait par exemple dans des lagunes propres faire de la pisciculture. L'île attire les poissons, on peut habiter sur place de manière propre", explique-t-il.
"Bien sûr, il y a d'autres pollutions, mais ce qui est beau dans cette idée, c'est qu'on transforme quelque chose de négatif, la pollution avec les bouteilles plastique, en quelque chose de positif", conclut Eric. "Si on pouvait faire ça chacun à son petit niveau..."
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