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Les Frères musulmans égyptiens, de l’ombre à la lumière

Longtemps ostracisés avant d'être plébiscités dans les urnes, les Frères musulmans sont de nouveau écartés du pouvoir et, avec eux, leur représentant, le président déchu Mohamed Morsi. Parcours d’un mouvement islamiste, passé de la clandestinité au sommet de l'Etat.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Photo prise lors d'une manifestation de partisans du président Morsi et des Frères musulmans, le 5 juillet 2013, place Rabia al-Adawiya au Caire, en Egypte. (Mohammed Elshamy / Anadolu Agency)

Quand il est devenu président, Mohamed Morsi a nommé un nombre croissant d'islamistes aux postes officiels. De quoi nourrir le sentiment de «frérisation» de la société et du pouvoir égyptiens ressenti par une partie de l’opinion publique.
 
«Les gens ne veulent pas d'un gouvernement idéologique. Ils veulent un gouvernement qui préserve leur dignité, leur liberté, leur indépendance et leur économie.» Ces propos ont été prononcés le 26 juin 2013 par, islamiste qui a quitté la confrérie en 2011 au motif que ses dirigeants ne croyaient pas, selon lui, en la démocratie.
 
Ce dernier estime même que Mohamed Morsi a dirigé l'Egypte comme les Frères musulmans se dirigent eux-mêmes, à savoir: en privilégiant la loyauté au détriment de la compétence, avec de graves conséquences pour le pays. Selon Abdel Moneim Aboul Fotouh, ancienne figure de proue de l’aile réformatrice du mouvement, le président déchu a agi avec l’Etat «en utilisant la même méthode que pour diriger un groupe opprimé, pourchassé par la police».

Photo d'archives datée du 15 janvier 1954 de l'arrestation des dirigeants de la confrérie des Frères Musulmans à Helmia, dans la banlieue du Caire.  (Archives AFP)
 
Un groupe longtemps clandestin
Il faut dire que la conférie des Frères musulmans, qui est le plus ancien mouvement de l'islamisme sunnite, a passé des décennies dans la clandestinité avant d’être considérés comme la principale force politique du pays.
 
Sa doctrine s'organise autour du dogme du «tawhid» (unicité de Dieu), qui fusionne le religieux et le politique.
 
Au long de son histoire, la confrérie a oscillé entre opposition et collaboration avec le pouvoir, entre plaidoyers pour un Etat islamique et assurances de respect du jeu démocratique.
 
Elle a de tout temps trouvé des soutiens parmi les classes les plus défavorisées de la population, s’activant dans les mosquées et sur le terrain, dans les universités et au sein des syndicats. Menant sur le terrain des actions d'aide (médicale, éducative, alimentaire…) aux plus démunis.
 
Des membres opprimés
Créé en 1928 par Hassan al-Banna, le mouvement islamiste a le plus souvent été opprimé par les chefs d’Etat successifs. Parfois brutalement, comme en 1948, après l'assassinat du Premier ministre Mahmoud Fahmi al-Noqrachi. L’époque est à la lutte armée pour les Frères. Si ses relations avec les militaires, épine dorsale du pouvoir depuis la chute du roi Farouk et de la monarchie en 1952, sont alors marquées par la rivalité, elles le sont aussi par une forme de connivence.

Interdit en 1954 sous la présidence de Gamal Abdel Nasser, la confrérie se fait discrète jusqu’en 1970. Malgré ce, des milliers de membres sont arrêtés et emprisonnés durant cette période, notamment après une tentative d'assassinat contre le président égyptien.
 
L’arrivée d’Anouar el-Sadate au pouvoir en 1971 marque un changement d’orientation. Le successeur de Nasser fait libérer les Frères musulmans et proclame une amnistie générale. Une embellie de courte durée, car le mouvement vit mal les accords de paix entre l’Egypte et Israël. A tel point qu’en 1981, d'ex-membres du mouvement se radicalisent et assassinent Sadate (vidéo).

Discours du président égyptien Nasser en 1953 


Des changements tangibles
Vient l’ère Moubarak, où les Frères musulmans sont toujours illégaux et régulièrement réprimés par l'armée. A cette époque, ils arrivent cependant à présenter des candidats au Parlement sous étiquette indépendante.
 
En janvier 2011, la révolte contre le régime Moubarak est initiée par de jeunes laïques. La confrérie est prise de cours par son ampleur. Seuls ses jeunes membres y participent, avant que tous ne s'y rallient. Le 11 février de la même année, Moubarak démissionne.
 
Dès lors, la transition politique se met en place. Les Frères musulmans et leur Parti de la liberté et de la justice (PLJ) s’inscrivent dans le jeu politique, dialoguant avec les militaires au pouvoir, comme avec les laïques. Leur but étant de participer aux élections.

La reconnaissance avant le désaveu 
A l’hiver 2011-2012, le PLJ remporte presque la moitié des sièges de députés. La joie est de courte durée. Six mois plus tard, la dissolution de l'Assemblée pour irrégularité dans le mode de scrutin prive la confrérie de son bastion parlementaire.
 
Quand Mohamed Morsi est élu président de la République en juin 2012, son parti s'est défendu de toute orientation «théocratique», assurant qu'il serait «indépendant» de la confrérie. Aujourd’hui, ceux qui ont fait tomber son premier représentant lui reprochent le contraire.
 
Juillet 2013: pro et anti-Morsi s’affrontent depuis la destitution du président par l’armée, le 3. Les dernières violences du 8 ont fait une cinquantaine de morts au Caire parmi ses soutiens. Les Frères musulmans appellent au «soulèvement du grand peuple d'Egypte contre ceux qui sont  en train d'essayer de lui voler sa révolution avec des chars». Aujourd’hui, une autre page de son histoire est en train de s’écrire.

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