Le Sinaï, nouvelle poudrière du Proche-Orient
Infiltrée par des activistes islamistes, cette vaste région désertique frontalière cristallise les tensions entre l'Egypte et Israël.
PROCHE-ORIENT - A peine plus d'un mois après son entrée en fonction, le nouveau président égyptien, Mohamed Morsi, vit sa première crise. Son armée a été contrainte d'effectuer un raid aérien dans la péninsule du Sinaï, mercredi 8 août, pour y tuer vingt activistes islamistes présumés. Une première depuis des décennies. Le but de l'opération était de venger la mort de seize gardes-frontières égyptiens, dimanche, dans une attaque imputée à des terroristes palestiniens. Un regain de tension qui inquiète au plus haut point les autorités égyptiennes et israéliennes.
Le Sinaï, une région clé entre Egypte, Israël et Gaza
La vaste péninsule égyptienne sépare en effet la partie la plus peuplée de l'Egypte - autour du Caire - et la poudrière israélo-palestinienne. Une zone transfrontalière désertique relativement calme depuis la signature du traité de paix entre l'Egypte et Israël, en 1979.
Or, depuis la chute d'Hosni Moubarak au printemps 2011, la région est de plus en plus instable, et les attaques depuis le Sinaï contre la frontière israélienne se multiplient. En août 2011, un commando a par exemple tendu une triple embuscade, tuant huit Israéliens, dont un soldat et un policier. Tsahal avait riposté, tuant sept assaillants et cinq policiers égyptiens.
Plus récemment, en juin, des activistes palestiniens avaient eux aussi réussi à infiltrer le Sinaï via le terminal de Rafah, pour ensuite tendre une embuscade à deux voitures transportant des ouvriers du bâtiment israéliens, tuant l'un d'eux. Sans parler des nombreuses roquettes tirées entretemps depuis le Sinaï vers Israël. Résultat : après la dernière attaque dans laquelle 16 gardes-frontières égyptiens ont péri dimanche, Le Caire a pris la décision de fermer sine die le terminal de Rafah, à la frontière avec Gaza.
Israël, cible des jihadistes venus de tout le Moyen-Orient
Pour Israël, qui érige actuellement une frontière électrifiée entre son territoire et le Sinaï égyptien, ces attaques sont perpétrées par des "terroristes du jihad global", venus de tout le Moyen-Orient pour attaquer, depuis l'Egypte, le territoire de l'Etat hébreu. "Dans le Sinaï, il y aurait des forces d'Al-Qaïda venues du Yémen, d'Irak, de Syrie ainsi que d'autres pays arabo-musulmans", croit savoir le quotidien hébreu Ha'Aretz, qui déplore également "un soutien" des Bédouins du Sinaï à ces terroristes.
"Si la menace représentée par les groupes radicaux palestiniens de Gaza reste relativement contrôlable par des représailles ciblées, la présence de jihadistes dans les immensités du Sinaï constitue un phénomène beaucoup plus difficile à prévenir", analyse le correspondant du Figaro à Jérusalem, Adrien Jeaulmes.
Les autorités israéliennes mettent donc la pression sur Le Caire pour enrayer ce phénomène. "La responsabilité du Sinaï relève de la seule Egypte, qui fait tout ce qui est dans son pouvoir pour lutter contre le terrorisme. Son succès permettra d'éviter des attentats terribles", a prévenu mercredi Amos Gilad, un haut responsable du ministère de la Défense israélien. Et d'ajouter, dans une phrase qui trahit les doutes de l'Etat hébreu en la matière, qu'"il faut regarder vers l'avenir et voir s'il y a un traitement de fond contre le terrorisme" de la part des Egyptiens.
Menaces sur le traité de paix israélo-égyptien
Mais les relations entre Jérusalem et Le Caire restent extrêmement tendues. Avant l'attaque visant les gardes-frontières égyptiens, dimanche, les autorités israéliennes, alertées par le risque d'une attaque imminente, avaient sommé leurs ressortissants présents dans le Sinaï de rentrer au plus vite. Le nouveau ministre de l'Intérieur égyptien avait alors répondu que ces alertes n'avaient pour but que de porter atteinte à l'économie du tourisme en Egypte.
Lundi, au lendemain de l'attentat, les Frères musulmans, un mouvement dont est issu le président Morsi et considéré comme l'ennemi juré d'Israël, ont quant à eux clairement pointé du doigt les services secrets israéliens : "Ce crime peut être attribué au Mossad, qui tente de faire avorter la révolution [égyptienne] depuis qu'elle a eu lieu, et la preuve en est qu'il a donné pour instruction à ses citoyens sionistes se trouvant dans le Sinaï de partir immédiatement, il y a plusieurs jours".
De quoi inquiéter un peu plus Israël sur l'avenir du traité de paix signé entre les deux pays en 1979, et qui a permis jusqu'à présent de maintenir la sécurité à la frontière sud de l'Etat hébreu. Un traité qui doit aujourd'hui être "impérativement" revu, aux yeux des Frères musulmans. Une demande sur laquelle Mohamed Morsi ne s'est pas encore publiquement prononcé.
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