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Egypte. La victoire du "oui" ne signe pas la fin de la crise politique

Le pays sort fortement divisé du référendum sur le projet de Constitution contesté.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Temps de lecture : 4 min
Des électeurs égyptiens le 22 décembre à Giza, au sud du Caire. (MAHMUD HAMS / AFP)

Les islamistes au pouvoir en Egypte ont affirmé, dimanche 23 décembre, que leur projet de Constitution avait recueilli l'approbation de 64% des votants. Ces résultats sont contestés par l'opposition, qui a dénoncé des fraudes et annoncé qu'elle ferait appel. Le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), la branche politique des Frères musulmans, s'est félicité de cette victoire, mais cela ne signe pas la fin de la crise politique en Egypte. Francetv info revient sur les points qui fragilisent la situation.

Une victoire du "oui", mais une faible participation 

Lors de la première phase du scrutin, le 15 décembre, le projet de constitution avait été approuvé par les votants. En combinant les résultats des deux scrutins, les islamistes avancent le chiffre de 64% de "oui". Une victoire nette, mais loin du raz-de-marée annoncée par la confrérie. Surtout, ce résultat est à mettre en regard avec la participation : seuls 32% des Egyptiens en âge de voter se seraient déplacés pour participer au scrutin, toujours selon les islamistes.

Difficile dans ces conditions de revendiquer l'approbation générale. Les résultats officiels sont attendus ce lundi 24 décembre, mais un membre de la commission électorale, Mohamed El-Tanboly, a expliqué à l'AFP qu'"aucune date officielle n'a encore été fixée".

Un scrutin contesté 

La victoire n'est due qu'à "la fraude, aux violations et aux irrégularités" selon le Front du salut national (FSN), principale coalition de l'opposition rassemblant des mouvements de gauche, laïques et libéraux. Le groupe a annoncé, lors d'une conférence de presse, qu'il contestait les résultats et allait faire appel. Plusieurs plaintes ont déjà été déposées devant la justice.

L'opposition dénonce l’absence de juges dans certains bureaux et les pressions exercés sur certains citoyens susceptibles de voter contre le texte, pour les empêcher de voter, selon Libération. Le FSN évoque aussi des électeurs fictifs, des horaires de vote fantaisistes, des villages "oubliés" dans les résultats et une campagne pour le "oui" menée dans les mosquées par les imams, indique Ouest France.

En Allemagne, le ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a réagi en affirmant que "les accusations de fraude doivent être examinées rapidement, fermement et de manière transparente".

L'opposition prête à se maintenir aux élections

La victoire annoncée par les islamistes pourrait de nouveau faire descendre une partie des Egyptiens dans la rue. "Les opposants égyptiens se sont-ils résignés ? Ou se préparent-ils à des manifestations massives ? Les deux options restaient ouvertes, hier, au vu de l’ambiance dans les rues du Caire", affirme l'envoyé spécial de Libération. En tout cas, l'opposition reste mobilisée sur le plan politique. Le référendum "n'est pas la fin du chemin mais seulement une bataille dans cette longue lutte autour de l'avenir de l'Egypte", a affirmé le FSN dans un communiqué. 

"Ce que Morsi a fait nous a unis", dit Ahmed Saïd, président du Parti des Egyptiens libres et membre influent du Front de salut national. Cette coalition formée en vue du référendum constitutionnel pourrait présenter un front uni lors des élections législatives prévues dans les deux mois suivant l'adoption de la Constitution."Nous maintiendrons le plus haut degré d'union et de cohésion. Nous sommes prêts à participer à toutes les batailles démocratiques", a dit l'un des chefs de file de la coalition d'opposition, le nationaliste de gauche Hamdeen Sabbahi.

Un pays divisé

Les résultats "ne confirment qu'une chose: qu'il n'y a pas de consensus sur cette Constitution", estime  Hamdeen Sabbahi. Le projet de constitution ouvre la voie "à une série de lois qui vont balayer les libertés publiques", a-t-il martelé. Le texte est notamment accusé de mettre en péril les droits des femmes et des minorités religieuses. 

Avec ce projet, le président, Mohamed Morsi, s'est aliéné de nombreux opposants  parmi lesquels une grande partie des libéraux, des laïcs et des chrétiens coptes. Signe des fortes tensions régnant dans le pays, le président du Club des juges d'Egypte, Ahmed Zind, a été la cible dans la soirée de jets de pierres de la part d'un groupe de personnes qui l'attendaient à sa sortie d'une réunion au Caire. Il y avait dénoncé une "atteinte au pouvoir judiciaire" de la part d'une "partie qui pense être le roi d'Egypte", en allusion au président Morsi. Samedi, la crise politique avait poussé  le vice-président de la République, Mahmoud Mekki, à démissionner.

Fragilités économiques et sociales

Déficit budgétaire en hausse, réserves en devises en berne, investisseurs étrangers attentistes et touristes frileux s'ajoutent aux difficultés politiques du président. Sans consensus national, il aura du mal à faire passer ses réformes économiques. Pour Amr Adly, expert des questions économiques et sociales au sein de l'Association égyptienne pour les droits des personnes, l'opposition pourrait tenter de capitaliser sur le mécontentement social. Elle monterait le peuple contre une politique de rigueur pourtant jugée  indispensable si Le Caire veut obtenir son prêt de 4,8 milliards de dollars (3,6 milliards d'euros) en négociation avec le Fonds monétaire international (FMI).

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