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Egypte: le président Sissi bloque des sites internet pour museler les médias

L'Egypte du président Abdel Fattah Al-Sissi, déjà accusée de museler la liberté d'expression et toute forme d'opposition, a renforcé son emprise sur les médias en bloquant plusieurs sites internet, dont celui de la chaîne qatari Al Jazeera. Le site de la chaîne de télévision et une vingtaine d'autres qataris ou égyptiens, étaient inaccessibles en Egypte depuis le 24 mai 2017 au soir.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
«Le journalisme n'est pas un crime» ou «la presse reste et les tyrans s'en vont» clament les pancartes brandies par des journalistes égyptiens devant le siège du syndicat de la presse, pour protester contre la condamnation de Yahya Kallas, président du syndicat, le 19 novembre 2016 au Caire.  (Mohamed El Raai/ANADOLU AGENCY/AFP)

Soucieux de renforcer sa mainmise sur les médias de son pays, le président Abdel Fattah Al-Sissi n'hésite plus désormais à intervenir sur les réseaux sociaux. Outre la chaîne qatarie Al-Jazeera, parmi les autres sites internet bloqués par les autorités égyptiennes, figurent plusieurs médias qataris comme les journaux Al Watan ou Al Raya et des sites politiques islamistes comme celui des Frères musulmans Ikhwan Online. Celui d'Al-Sharq, une télévision favorable aux Frères musulmans basée en Turquie, a également été bloqué.
 
Mais l'interdiction vise aussi le site indépendant Mada Masr, connu notamment pour sa liberté de ton sur des sujets comme la corruption, ou encore Huffpost Arabi, le site en arabe du média américain The Huffington Post.

La chaîne Al-Jazeera dans le colimateur de Sissi 
Al-Jazeera n'en est pas à ses premiers déboires en Egypte. En 2013, les autorités avaient arrêté et emprisonné trois journalistes de la chaîne, dont un Canadien et un Australien, soulevant une vague de protestation internationale. Les trois journalistes avaient finalement été libérés en 2015.
 
Le 23 décembre dernier, Mahmoud Hussein, un Egyptien de 51 ans qui travaillait au siège d'Al-Jazeera à Doha, a été arrêté trois jours après son retour en Egypte pour des congés en famille.
 
Al Jazeera est accusée par Le Caire de soutenir le mouvement des Frères musulmans, interdit par les autorités égyptiennes. Depuis 2013 et l'éviction par Abdel Fattah Al-Sissi du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, le pouvoir accuse le mouvement islamiste de violences et le considère comme une organisation «terroriste».
 
Le 25 mai au matin, Mada Masr a publié sur son compte Twitter un dessin de presse montrant une porte fermée en plein milieu du désert, accompagné de la légende suivante: «Nous avons la confirmation que le site de Mada Masr a été bloqué. Restez connectés pour savoir où nous retrouver».
 
De son côté, le Huffpost Arabi demandait dans un tweet: «Tu trouves un problème à consulter notre site? Pour outrepasser le blocage, suivre les étapes suivantes: 1/ ouvrir l'application Huffpost sur le portable, 2/ choisir Arabi, 3/ lire nos sujets». Le Huffpost préconise aussi de visiter sa page Facebook pour «lire immédiatement les articles».
 
Parallèlement, en Arabie saoudite, le site internet d'Al Jazeera était inaccessible depuis mercredi soir. Et aux Emirats arabes unis, celui d'Al Jazeera et d'autres médias qataris étaient également bloqués.
 
Museler la liberté d'expression et toute critique du pouvoir
En Egypte, la loi sur le terrorisme adoptée en août 2015 prévoit de lourdes amendes pour «ceux qui publient d'une manière délibérée de fausses informations sur les actes terroristes à l'intérieur du pays». Le texte précise aussi qu'il est interdit de publier des informations en matière de terrorisme «qui seraient contraires aux communiqués officiels du ministère de la Défense».
 
Dans ce contexte, les organisations de défense des droits de l'Homme accusent régulièrement M. Sissi de museler la liberté d'expression et de réprimer toute critique de son pouvoir.
 
La liste est longue désormais des personnalités du monde des médias qui ont dû renoncer à leurs activités ou qui ont eu des démêlés avec la justice. En mars, l'ex-président du syndicat de la presse égyptienne Yehya Kallache et deux de ses collaborateurs ont été condamnés à de la prison avec sursis pour avoir abrité deux reporters recherchés par la justice.
 
Début janvier, le commentateur politique Ibrahim Eissa, qui a critiqué le gouvernement de Sissi après l'avoir soutenu dans un premier temps, a vu son émission suspendue.Dans un autre registre, l'humoriste Bassem Youssef, surnommé le Jon Stewart égyptien, et dont l'émission «Al Bernameg» ridiculisait les politiciens de tous bords, s'est dit victime de pressions. Contraint de quitter le pays en 2014, il vit aujourd'hui à Los Angeles.
 
Au classement mondial de la liberté de la presse 2017 publié par Reporter sans Frontières, l'Egypte est 161e sur 180 pays.

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