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Ce que dit le texte de la Constitution égyptienne

Les 15 et 22 décembre, le peuple égyptien se prononce par référendum pour ou contre le projet de nouvelle Constitution. La tension est vive dans le pays entre les adversaires et les partisans islamistes du président Morsi. Globalement, l'opposition rejette ce texte, car à ses yeux trop favorable aux thèses islamiques.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Les Egyptiens expatriés sont les premiers à voter comme à Oman, le 13 décembre 2012. (AFP/Mohammed Mahjoub)
Le fossé s'ouvre dès le début des travaux de rédaction. La première assemblée constituante élue est vite dissoute. Certains de ses membres considèrent que les représentants religieux sont trop nombreux. La seconde ne change rien à la donne.

Du coup, certains membres de l'opposition boycottent les travaux. Une construction bien mal engagée qui inévitablement fait naître les critiques quant à son contenu. Dans ce texte de 236 articles, ceux traitant du rôle de la religion dans la politique sont mis en avant par l'opposition laïque, pour démontrer la dérive islamique du futur régime.
 
Les relations entre l'Etat et l'Islam
L'article premier donne le ton. Il définit le peuple égyptien comme «faisant partie de la nation islamique». Une définition qui n'existait pas dans la précédente constitution.
  
Mais c'est le second article, un article pourtant déjà présent dans la constitution de 1971, qui constitue la pierre d'achoppement. Il y est dit que l'islam est «religion d'Etat». Et surtout, que «les principes de la charia» sont «la source principale de la législation». Plus loin, un article tente d'expliquer les principes de la charia en retenant la seule doctrine sunnite.
Ainsi, le texte ouvre à une double interprétation. Les plus inquiets, quant à une islamisation de la société, retiennent l'emploi du mot charia. Les autres rappellent qu'elle n'est pas la source unique de la Constitution.
 
L'article 4, quant à lui, constitutionalise le rôle de l'Université Islamique Al-Azhar. Elle devient l'autorité religieuse suprême du pays, indépendante, et son cheik ne peut être destitué. Ses membres doivent être consultés pour toute question relatives à la loi islamique. Rôle consultatif ou bien guide suprême ? Là aussi, les thèses s'affrontent.
 
Le droit des femmes
Dans l'article 10, il est dit que «l'Etat doit procurer des services de santé maternelle et infantile gratuits et faciliter la conciliation pour les femmes de leurs devoirs envers leur famille et envers leur travail...» De bonnes intentions diront certains, mais le texte est suffisamment flou pour être utilisé de façon restrictive. D'autant que l'article rappelant l'égalité entre les hommes et les femmes a été abandonné. Les islamistes voulaient une référence à la charia rejetée par les laïcs. Mais l'article 33 affirme «l'égalité des citoyens devant la loi sans discriminations».

Les partisans du président Morsi et des Frères musulmans appellent à voter oui lors du référendum. (AFP/Mahmoud Khaled)


La liberté d'expression
L'article 44 interdit l'injure ou l'insulte envers «tous les messagers et prophètes religieux». Certains veulent y voir une limitation possible de la liberté d'expression qui est pourtant protégée dans un autre article. De même, la liberté de culte est garantie, mais uniquement pour les trois grandes religions.

Du bien et du moins bien
La torture est désormais interdite par la Constitution, de même que la détention arbitraire. Le mandat du Président est de quatre ans renouvelable une seule fois. 
 
Le Parlement voit ses pouvoirs étendus. Il peut renverser un gouvernement par deux votes successifs et il peut former des commissions d'enquête.
Mais l'armée conserve sa toute puissance. Son bugdet n'est pas contrôlé par le Parlement. Le poste de ministre des Armées doit être tenu par un officier en activité. Enfin, un civil peut être jugé par un tribunal militaire.
 
Le poids des Frères musulmans
Beaucoup d'observateurs voient dans ce projet de Constitution le résultat de la lutte d'influence entre laïcs et religieux. De nombreux articles tentent de ménager la chèvre et le chou, et conduisent à un flou dangereux. Courrier International cite un spécialiste égyptien des questions constitutionnelles, Zaid al-Ali. Selon lui, les auteurs de la Constitution ont raté l'occasion de s'attaquer aux problèmes du pays, trop focalisés sur leurs désaccords.
 
Mais, malgré les appels au boycott, la Constitution devrait obtenir un vrai plébiscite. Les Frères musulmans savent très bien mobiliser l'électorat, au demeurant pour faire approuver un texte qu'ils ont marqué de leur empreinte.

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