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Production record et chute des cours, le cacao dans la tourmente

Que se passe-t-il au royaume du cacao? Jamais la production n’a été aussi élevée et pourtant le secteur est en crise. Surproduction, chute des cours: la Côte d’ivoire, premier producteur mondial, est dans la tourmente. La réforme du secteur, voulue par le président Ouattara, semble en panne.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
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Récolte de cabosses de cacao en Côte d'Ivoire. (AFP)

La campagne cacaoyère s’achève et le bilan est exceptionnel pour l’Afrique, et en particulier pour la Côte d’Ivoire. La production dans le pays a atteint le niveau record de deux millions de tonnes, soit une augmentation de 30%. Un volume qui conforte la première place mondiale du pays. Ce résultat a été voulu par une politique volontariste. Réorganisation de la filière, nouvelles variétés plus résistantes, irrigation, etc.

Mais dans un contexte de surproduction mondiale, cela n’est pas une bonne nouvelle. Les cours vont continuer leur marche baissière. Au grand dam des 800.000 planteurs du pays. Avec 3,5 millions de tonnes, l’Afrique représente 75% de la production mondiale de cacao. Autant dire que la récolte sur le continent influe considérablement sur un marché dont les volumes sont en hausse constante. Le produit est en excédent et donc le prix est en berne. A la bourse de Londres, la tonne de cacao a perdu 40% de sa valeur, passant de 3000 à 1700 euros pour la campagne 2016/2017.

La faute aux spéculateurs ?
Pour l’agence Ecofin, il y a un lien très net de cause à effet entre la hausse de la production non maîtrisée de la Côte d’Ivoire et la chute des cours. «Il y a quelques années, Jean-Marc Anga de l’Organisation internationale du cacao (ICCO) avait prévenu en vain des risques de surchauffe et donc de chute des cours, alors que le pays caressait le rêve de franchir la barre des deux millions de tonnes.»

Pour certains observateurs, en revanche, la hausse spectaculaire de la production ivoirienne n’est pas la cause de ce décrochage. «Ce qui pose problème, c’est la logique spéculative. Il y a deux ans, une étude montrait qu’environ 30% des transactions qui s’exécutent sur le cacao étaient le fait de fonds d’investissement et non de professionnels du secteur», expliquait au journal Le Monde (article payant) Youssouf Carius, directeur d’un fond d’investissement .

Une usine de transformation de la fève de cacao à Abidjan, le 25 mars 2015. (Photo AFP/Sia Kambou)

Il est vrai que pour ouvrir le marché de l’export aux entreprises ivoiriennes, l’Etat leur a réservé 500.000 tonnes. Faute de contrôles suffisants, les spéculateurs se sont glissés dans le système. La gestion du tout-puissant Conseil du café-cacao (CCC) qui tient les rênes du marché a été vivement critiquée. Sa patronne Massandjé Touré-Litsé en a fait les frais et a été débarquée en août 2017.
 
Double peine
Dans ce contexte, la Côte d’Ivoire a été doublement impactée. L’Etat a réduit son aide aux planteurs en abaissant de façon drastique le prix minimum garanti. De 1100F CFA à 700. Soit de 1,6 euro à 1 euro. D’autre part, pour aider les exportateurs, il a éliminé les taxes à l’export. On estime que la perte des recettes budgétaires s’élève à 45 milliards de FCFA, soit près de 7 millions d’euros.

Le sujet est éminemment politique. Le président ivoirien, Alassane Ouattara, a fortement incité à une augmentation de la production. Selon lui, depuis le début de son mandat en 2012, «nous avons enregistré une croissance économique de 9% en moyenne grâce à notre agriculture». Un auto-satisfecit que ne partagent sûrement pas les 800.000 planteurs qui ont vu leurs revenus chuter lourdement.

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